Le Lac de l'Eychauda
La genèse du Lac de l’Eychauda, bien que singulière dans la carrière de Laurent Guétal, met en évidence la façon dont il conçoit et réalise ses œuvres majeures. C’est à la vue d’une photographie d’Alfred Michaud (premier photographe de l’Oisans) qu’il décide de peindre ce site. Pour vérifier la justesse de son inspiration, pendant l’été 1880 il se rend au bord du lac dans le massif du Pelvoux, à 2514 mètres d’altitude. Après de longues heures d’attente sous la neige et dans le brouillard, il profite d’une éclaircie pour faire une pochade, reprenant le même point de vue que celui de la photographie. À partir de ces deux documents, il exécutera une huile, datée de 1881, dans laquelle figurent des promeneurs. En 1886, quelques semaines avant l’ouverture du Salon, Guétal décide de peindre le fameux lac. Cette œuvre, de grandes dimensions, constitue un tour de force tant par sa rapidité d’exécution que par l’effort de mémoire qu’elle a exigé. Chef-d’œuvre de Guétal et de la peinture dauphinoise, cette toile fut récompensée au Salon de 1886 par une troisième médaille et sélectionnée pour l’Exposition universelle de 1889. Le rôle de la photographie et la part de recréation expliquent le caractère ambivalent de cette représentation de la montagne, à la fois réaliste et idéale. L’artiste met en scène d’une façon remarquable les trois éléments naturels que sont le minéral, l’eau et l’air. Les rochers omniprésents par leur taille, leur position et leur description méticuleuse sont mis en valeur par l’eau du lac qui les reflète et le ciel qui les éclaire. Dominée par des bruns plus ou moins lumineux, la gamme colorée associe des bleus pâles et des gris profonds à des mauves clairs et à des verts. L’attention accordée à la précision « photographique » du détail ne nuit en rien à l’ampleur monumentale du site. Dans cette toile, Guétal réussit avec brio ce qui est essentiel à ses yeux : témoigner du caractère grandiose de la montagne en exaltant sa beauté naturelle.
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