Champollion

Illustre créateur de La Liberté éclairant le monde installée à New York en 1886, Frédéric-Auguste Bartholdi a profondément marqué l’art de la statuaire et de la sculpture monumentale. En 1855, il accompagne le peintre Gérôme dans un voyage en Égypte où les monuments provoquent son admiration. Le pays des pharaons est au cœur des préoccupations intellectuelles et économiques du Second Empire, qui prévoit dès 1859 le percement du canal de Suez pour lequel Bartholdi réalise, vers 1867, la maquette d’un phare monumental qui restera sans suite. Un an auparavant, Bartholdi avait proposé de perpétuer la mémoire du grand égyptologue déchiffreur des hiéroglyphes, Jean-François Champollion, en édifiant une statue en bronze à Figeac, sa ville natale. Le plâtre est présenté à l’Exposition universelle de 1867 mais, le projet n’aboutissant pas, le sculpteur réalise un marbre qui sera présenté au Salon de 1875, acquis par l’État et enfin installé dans la cour du Collège de France où il trône encore aujourd’hui. Le plâtre original conservé au musée de Grenoble représente le savant debout, le buste penché en avant, le pied gauche posé sur une tête colossale de sphinx, la main droite tenant des rouleaux de papyrus posés sur la cuisse. Le menton appuyé sur la main gauche et le regard lointain, il paraît plongé dans une profonde réflexion. Jusqu’à Bartholdi, les portraits de Champollion montraient le savant soit en conservateur du Louvre, soit en aventurier en costume local. Le sculpteur opère pour sa part la synthèse entre ces deux types iconographiques : l’égyptologue est vêtu du costume occidental, la redingote, mais porte jeté sur l’épaule le burnous arabe qui tombe jusqu’à ses pieds en un drapé élégant accentuant l’attitude concentrée du modèle. L’ensemble des volumes s’articule en un subtil équilibre qui confère au personnage l’évidence du génie. De plus, la pose du personnage souligne l’analogie entre le déchiffrement des hiéroglyphes et la résolution de l’énigme du sphinx par Œdipe. Bartholdi réussit ici un véritable coup de force en offrant à la célèbre peinture d’Ingres une puissante réponse sculptée tout en attribuant à Champollion la dimension héroïque qui lui revient. En 1905, la veuve du sculpteur fait don du plâtre à la Ville de Grenoble, où l’égyptologue a vécu et où, dès l’âge de vingt ans, il avait été professeur d’histoire ancienne à l’université.