Stella Montis - Muse de Berlioz
Henri Ding présente deux marbres au Salon
de Grenoble de 1890, un buste de Jean Achard
et, sous le titre de Stella montis – muse de
Berlioz, une jeune femme nue jouant de la
harpe. Avec cette allégorie audacieuse, il
évoque Estelle Duboeuf, dont le jeune Hector,
âgé de douze ans, tombe follement amoureux
lors de leur rencontre à Meylan. Cristallisant
cette passion platonique non réciproque
avec cette demoiselle de dix-huit ans, Berlioz
mentionne Estelle dans ses Mémoires en
l’appelant Stella del Monte ou Stella Montis
(l’étoile des cimes). Il est âgé de soixante-deux
ans quand il avoue sa flamme à celle qui
est devenue Mme Fornier et qui ne partage pas
ses sentiments. En 1864, il lui écrit : « Songez
que je vous aime depuis quarante-neuf ans,
que je vous ai toujours aimée depuis mon
enfance, malgré les orages de toute espèce
qui ont ravagé ma vie[1]. »
La statue d’Henri Ding occupe une place
d’honneur au Salon, où on l’admire pour
la pureté de ses lignes et la sensualité du
jeune corps dénudé. La colonne de la harpe
s’orne de motifs végétaux orientalisants au
milieu desquels une colombe a trouvé refuge,
attirée par les sons cristallins de l’instrument
que Berlioz fut le premier à inclure dans un
orchestre symphonique. Malheureusement,
la disparition des cordes de la harpe modifie
quelque peu la perception de l’oeuvre.
Le sculpteur a choisi une allégorie à contrecourant
des hommages habituellement rendus
au génie du compositeur isérois, décédé en 1869. Ainsi, en 1885, Urbain Basset propose
une très classique statue en pied du musicien
tandis que les bustes se multiplient
(Perraud, 1867 ; Carlier, 1885, etc.). Quelques
années après la Stella montis d’Henri Ding,
Pierre Rambaud, qui incarne la génération
montante des sculpteurs isérois, réalise un
monumental et tragique Berlioz mourant qui
sera présenté au Salon en 1894, peu de temps
après son décès (MG 1043).
Stella montis est acquise par Jules Biron,
ingénieur, fabricant de ciment, qui la revend
à la Ville de Grenoble cinq ans plus tard.
La sculpture a été éditée en bronze à de
nombreux exemplaires et en plusieurs dimensions
par la fonderie d’art Thiébaut Frères
sous le titre Femme à la harpe.
[1] Lettre d’Hector Berlioz à Estelle Fornier, 27 septembre 1864 dans Hector Berlioz, Mémoires de Hector Berlioz, membre de l’Institut de France : comprenant ses voyages en Italie, en Allemagne, en Russie et en Angleterre, 1803-1865, avec un beau portrait de l’auteur, Paris, Calmann Lévy, 1897, t. II, p. 406.
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