Moïse présenté à la fille de Pharaon, d'après un tableau de Bonifacio dei Pilati

Henri FANTIN-LATOUR
3ème quart XIXe siècle
38 x 62,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don Victoria Fantin-Latour née Victoria Dubourg en 1904

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Fantin s’est formé au métier de peintre en copiant assidûment les maîtres. Il y acquiert une exceptionnelle habilité qui lui vaut l’admiration de ses « frères d’art », tel Manet qui aurait eu la révélation de la peinture claire devant une copie de Véronèse [1], et lui attire de multiples commandes de répliques à l’huile. Il s’en acquitte pour se procurer des ressources jusque dans les années 1870. Par la suite, Fantin n’en continue pas moins à travailler d’après les maîtres, en particulier au calque : « Entre les quatre murs de l’atelier ; des cartons remplis de reproductions de tableaux célèbres (Fantin en décalquait « pour se mettre de bonnes formes en mémoire ») », se souvient le peintre et écrivain Jacques-Emile Blanche.
Ce travail d’imprégnation des « bonnes formes » passe par le décalque scrupuleux d’une composition complète ou au contraire par des croquis inspirés d’un morceau détaché de l’ensemble et réinterprété à loisir [2]. Cette copie de Moïse « d’après Giorgione » appartient au premier type, dont le Musée de Grenoble conserve six autres exemples (quatre feuilles d’après Delacroix et deux « d’après Giorgione », le Portement de croix, le Concert champêtre de Giorgione au musée du Louvre, aujourd’hui donné à Titien [3]). Le Moïse copié ici par Fantin a également perdu son attribution à Giorgione, pour échoir à Bonifacio dei Pitati (ou Bonifacio Veronese, Vérone 1487-Venise 1557). Formé par Palma Vecchio, il fut très fortement influencé par Titien et Giorgione, et quelques tableaux auparavant donnés généreusement aux maîtres lui ont été rendus. Moïse présenté à la fille de Pharaon (175 x 355 cm), aujourd’hui conservé à la Pinacothèque de Brera (Milan), après avoir été au palais de l’Archevêché, est considéré comme son chef-d’œuvre. A l’exemple de Titien ou de Véronèse, le peintre a introduit des notations contemporaines pour traiter sur le mode d’une pastorale un sujet de l’Ancien Testament. Fantin-Latour grand admirateur des Vénitiens n’a pas fait le voyage d’Italie. Comme le soulignait encore Blanche, « il ne connut guère ses ouvrages favoris que par la lecture, ou par des reproductions si c’étaient des œuvres plastiques [4] ». Fantin-Latour a donc décalqué directement sur l’estampe exécutée au milieu du XVIIIe siècle par Pierre-Alexandre Aveline (1702-1760). La composition sur calque délimitée par le tracé d’un cadre a en outre les mêmes dimensions que l’épreuve conservée au cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, où Fantin s’inscrit pour copier dès 1849 [5].


[1] La Touche, 1907. Manet possédait en outre deux copies à l’huile par Fantin : une Antiope du Titien et le Concert champêtre, alors attribué à Giorgione (FL 359 et 369).
[2] Par exemple MG IS 69-58.
[3] Voir MG IS 63-6, MG IS 63-7, MG IS 63-8, MG IS 63-9, MG 1474-17 et MG 1474-19.
[4] Blanche, 1906, p. 306.
[5] 1991-1992 Hazebrouck, cat. exp., p.7

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