Sans titre
profondeur: 60 cm
Grec d’origine, Jannis Kounellis arrive à l’âge
de 20 ans à Rome afin de suivre les cours de
l’académie des beaux-arts. D’emblée, il inscrit
son parcours artistique dans le contexte de
l’Italie du milieu des années 60, devenant l’une
des principales figures de l’Arte povera. Ce
mouvement affirme une rupture ouverte avec les
formes traditionnelles de l’art. Les performances
et installations de Kounellis, mêlant éléments
organiques (charbon, graines, laine) et matériaux
industriels (poutres métalliques, flammes de
gaz) auxquels il joint parfois des animaux vivants
(chevaux, perroquets), entretiennent un dialogue
permanent avec les espaces architecturaux et
véhiculent une dimension esthétique aussi bien
que poétique.
L’œuvre du musée, datée de 1985, met en scène
un empilement de sacs de toile de jute, dont les
inscriptions – Costa-Rica, Bolivie, Cameroun –
évoquent le transport par bateau des denrées
exotiques et invitent au voyage dans l’espace
aussi bien que dans le temps. En effet, ces
sacs servaient de contenant aux différentes
graines (lentilles, riz, café, pois, maïs, haricots)
qui traversaient les mers depuis la plus haute
antiquité, participant ainsi à l’échange des
cultures entre les peuples. Ces sacs superposés
sont adossés au mur qui est lui-même
recouvert jusqu’au plafond de peinture noire.
Cette surface abstraite et lisse, de même
largeur que le tas de sacs, contraste avec la
texture rugueuse et grossière de la toile de
jute. Le noir, couleur du charbon, de la suie, du
goudron, récurrent dans l’œuvre de l’artiste,
fait référence à la révolution industrielle. Il
apparaît ici comme un monochrome parfait,
sorte d’hommage implicite au fameux Carré
noir sur fond blanc de Malévitch. En combinant
les éléments naturels et manufacturés, les
formes du passé et du présent, le travail
de Kounellis renouvelle le dialogue entre
« nature » et « culture », prégnance des
archétypes et modernité.