Bouteille de rhum

Henri LAURENS
1916 - 1917
28,5 x 25,5 x 19 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Louise Leiris en 1954
Localisation :
SA28 - Salle 28

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Longtemps considéré comme un sculpteur proche des peintres cubistes, Henri Laurens connaît une reconnaissance tardive qui s’explique autant par sa discrétion que par le lent mûrissement de son œuvre. Ayant grandi dans une famille d’artisans, l’artiste se forme à l’École des arts décoratifs Bernard Palissy, puis chez un sculpteur-ornemaniste, pour devenir, à partir de 1915, l’un des plus grands sculpteurs de sa génération. En 1908, un séjour de quelques mois à la Ruche, la célèbre colonie d’artistes de Montparnasse, lui permet de rencontrer Constantin Brancusi, Jacques Lipchitz et Alexandre Archipenko. En 1911-1912, il fait la rencontre de Georges Braque, assimile la dimension tactile de ses natures mortes peintes et observe avec attention ses constructions en papier. Il visite également l’atelier de Picasso rue Schoelcher à Paris, où il découvre la célèbre Guitare (1912) en carton de l’artiste. Toute la première production de Laurens s’inscrira dès lors dans le prolongement des papiers collés cubistes, et le dessin, en tant que mode d’expérimentation privilégié, accompagnera toutes ses créations. Alors que Laurens donne naissance en 1915 à une nouvelle conception de l’espace fondée sur l’éclatement du volume, il explique ainsi sa démarche à son marchand Léonce Rosenberg : « Construction d’un espace à quatre points déterminés, c’est-à-dire que l’on puisse observer des quatre points opposés […]. J’ai le désir de ne faire entrer dans la construction que des formes géométriquement déterminées. » Aux Têtes vont ainsi succéder les Natures mortes et les Bouteilles. Bouteille de rhum (1916-1917) appartient à cette période d’intense créativité où l’artiste décline en volume la célèbre panoplie cubiste. Il s’agit de transposer dans l’espace un thème éminemment pictural, celui de la nature morte. Autour d’un vide central, l’artiste crée une bouteille à l’aide d’un cylindre de feuilles de métal peintes. Le plus petit cylindre figure un verre. L’étiquette «rhum» fait écho aux lettres au pochoir comme aux inscriptions qui animent les compositions cubistes de la période synthétique de Braque et Picasso. On observera le caractère abstrait de Bouteille de rhum si on la compare à Bouteille de Beaune (1915-1916, Musée national d’art moderne / Centre Pompidou, Paris), plus figurative dans sa conception. Les matériaux sont polychromés dans une palette raffinée, avec ce motif en pointillés caractéristique de l’artiste. Comme la plupart des constructions de Laurens, Bouteille de rhum se distingue des assemblages plus frustes de Picasso qui ne cachent pas leur aspect bricolé. Son élégance, qui rappelle celle des natures mortes de Braque et de Gris, tient à l’attention que l’artiste porte aux qualités intrinsèques des matériaux et à leur mode d’assemblage, extrêmement soigné. En 1919, Laurens transpose cette thématique dans le domaine de la ronde-bosse (Verre et bouteille, 1919, LaM, Lille) avant de développer, à l’aide de matériaux traditionnels, une iconographie exclusivement féminine.

Un autre regard

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