Autour du cubisme

L'invention du cubisme par Picasso et Braque entre 1907 et 1914 fut déterminante pour l'évolution de l'art moderne.

De la leçon de Cézanne, ils retiennent l'idée d'une œuvre  comme une synthèse de plusieurs moments de perception. Ils s'intéressent autant à la structure de l'objet qu'à son apparence et s'attachent à en dévoiler les différents aspects. La lumière est distribuée de façon arbitraire par refus du modelé illusionniste. Un rôle constructif est donné à la couleur, l'espace du tableau devient autonome, les conventions traditionnelles de représentation sont abandonnées. La réalisation des premiers collages constitue une rupture non moins radicale avec l'art du passé.

La collection du musée comprend quinze œuvres de Picasso, tableaux et sculptures s'échelonnant de 1901 à 1972, et deux natures mortes de Braque de 1912 et 1927. Cet ensemble est magistralement complété par la présence d'œuvres des principaux artistes qui ont appartenu à cette mouvance: Robert Delaunay, Henri Laurens, Raymond Duchamp-Villon et Alberto Magnelli.  

Autour du cubisme, le futurisme italien est représenté à Grenoble par un tableau de qualité remarquable de Luigi Russolo.

  • Espace rythmé selon le plan

    Médium :
    Auteur : Albert GLEIZES
    Date : 1920
    Dimension : 355,5 x 274,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Don de l'artiste en 1927
    Localisation : SA25 - Salle 25

    Détails

    De 1915 à 1919, Gleizes vit à New York où il réalise des œuvres traduisant la vie trépidante des temps modernes.

    Espace rythmé selon le plan est l’étude la plus achevée d’un projet monumental destiné à la gare de Moscou. Gleizes explore ici les possibilités dynamiques de la peinture en aplats de couleurs vives et crée un paysage de gratte-ciel en juxtaposant et superposant des plans géométriques. Quatre personnages animent la composition, réduits à quelques signes désignant le visage, la chevelure et les mains, à l’instar des silhouettes de cartes à jouer. Suivant le concept de simultanéité cher au cubisme, profils et faces mais aussi visions nocturne et diurne se côtoient, rythmant la composition comme une musique syncopée.

  • Le Prophète

    Médium :
    Auteur : Ossip ZADKINE
    Date : 1914
    Dimension : 223 x 30 x 40 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Don de l'artiste en 1938
    Localisation : SA25 - Salle 25

    Détails

    D’origine russe, Zadkine s’installe à Paris en 1910. Fasciné par à la statuaire de l’île de Pâques et la sculpture romane, il transforme le bois tout en respectant ses spécificités.

    Le corps du Prophète se confond ainsi avec le tronc de l’arbre dans lequel il a été taillé ; il en souligne la verticalité et le caractère monolithique. À l’exception des mains, avant-bras et genoux, aucune saillie ne vient rompre cette silhouette longiligne. Au bois soigneusement poli, l’artiste préfère le primitivisme d’un matériau à peine dégrossi, à l’instar des objets de Gauguin, qu’il traite de façon sommaire comme les entailles des yeux et de la bouche ou le léger relief du nez. Ce personnage semble hors du réel, tant par sa stature que par son profond recueillement.

  • Guitare

    Médium :
    Auteur : Georges BRAQUE
    Date : 1912
    Dimension : 24 x 34,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Don Marius de Zayas en 1943

    Détails

    Au cours de la période cubiste de Braque, de 1907 à 1914, les innovations se succèdent à un rythme rapide, souvent en étroite collaboration avec Picasso. Après une première phase de déconstruction, le cubisme analytique devient synthétique et s’ancre à nouveau dans le réel.

    À partir de 1910, le thème prépondérant de Braque devient la nature morte d’instruments de musique voisinant avec des partitions, des clés de sol ou de fa, des noms de compositeurs. Sur ce petit tableau de format ovale est représentée, en fins tracés, une guitare est résumée à sa caisse de résonance. En transparence, comme s’imbriquant dans l’instrument, une partition et une page de journal présentant le mot tronqué STAL viennent équilibrer la composition peinte en grisaille.

  • Bouteille de rhum

    Médium :
    Auteur : Henri LAURENS
    Date : 1916 - 1917
    Dimension : 28,5 x 25,5 x 19 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à la Galerie Louise Leiris en 1954
    Localisation : SA28 - Salle 28

    Détails

    Laurens souhaitait transposer dans la sculpture les expériences très avancées de Braque dans le domaine de la peinture, tels les papiers collés.

    Bouteille de rhum appartient à une période d’intense créativité où l’artiste décline en volume la célèbre panoplie cubiste. Il s’agit de transposer dans l’espace le thème de la nature morte. Autour d’un vide central, l’artiste crée une bouteille à l’aide d’un cylindre de feuilles de métal peintes et un verre, de plus petite taille. L’étiquette «rhum» évoque les lettres faites au pochoir et les inscriptions qui animent les compositions cubistes de la période synthétique de Braque et Picasso.

  • Femme lisant

    Médium :
    Auteur : Pablo PICASSO
    Date : 1920
    Dimension : 100 x 81,2 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX© Succession Picasso
    Acquisition : Don de l'artiste en 1921

    Détails

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    En 1917, Picasso est à Rome pour réaliser les décors et les costumes du ballet "Parade" de Diaghilev. Il rencontre la danseuse Olga Khokhlova qui deviendra sa première épouse.

    Dès lors, il revient à une figuration assagie, inspirée de l’art de Michel-Ange et Raphaël. Femme lisant est un admirable exemple de cette nouvelle manière. Peint dans un camaïeu de gris et de rose, héritage de la palette cubiste, le tableau représente - probablement - Olga en train de lire une lettre. Sa tête est négligemment soutenue par sa main droite dont le doigt posé sur la tempe rappelle un célèbre portrait d’Ingres. Picasso reprend les canons classiques pour mieux les déformer et aboutir à une représentation où tout semble figé dans une éternité de marbre.

  • Figure

    Médium : Huile sur bois
    Auteur : Pablo PICASSO
    Date : 16 mars 1930
    Dimension : 71 x 56 x 3,5 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX© Succession Picasso
    Acquisition : Dation en 1990 au Musée national Picasso.
    Dépôt au Musée de Grenoble en 1990.

    Localisation : SA28 - Salle 28

    Détails

    Le milieu des années 1920 voit surgir sous le pinceau de Picasso une nouvelle humanité, tourmentée et vociférante, synthèse du cubisme et de ses recherches postérieures.

    Peinte sur une porte de placard, Figure rappelle le goût de Picasso pour l'objet du quotidien récupéré et métamorphosé. Les nuances variées de gris, de noir et de blanc répondent aux teintes couleur bois du support non-peint. La fascination que cette figure indéfinissable opère, représentation inquiétante d’arlequin ou apparition fantomatique d’une femme-monstre, tient avant tout à son mystère, à l’ambiguïté d’une image qui ne se laisse jamais saisir, tout en exhibant, sans artifice aucun, ses éléments constitutifs.

  • La Fenêtre

    Médium :
    Auteur : Robert DELAUNAY
    Date : 1912
    Dimension : 45,8 x 37,5 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Achat à J. Mathellot en 1948
    Localisation : SA28 - Salle 28

    Détails

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    Pionnier de l’abstraction, Robert Delaunay participe au vaste mouvement européen qui, à la veille de la Première Guerre mondiale, vient révolutionner la représentation. Alors qu’il se rapproche de Klee et de Kandinsky, il réalise la célèbre série des Fenêtres, peinte entre 1912 et 1913.

    L’embrasure de la fenêtre se superposant au cadre du tableau, la surface picturale se résume à une multitude de facettes colorées, véritable kaléidoscope. La sensation de rythme naît de la simple juxtaposition ou compénétration de couleurs, des touches en frottis et des transparences. Abandonnant l’usage du dessin, Delaunay conserve toutefois l’ébauche d’une tour Eiffel, motif cher à son œuvre, dernier détail objectif et icône de la modernité.

  • Hommage à Blériot

    Médium :
    Auteur : Robert DELAUNAY
    Date : 1914
    Dimension : 46,7 x 46,5 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Achat à Sonia Delaunay en 1946
    Localisation : SA28 - Salle 28

    Détails

    À l’instar des futuristes et de Marcel Duchamp, Delaunay pressent que les développements de la modernité industrielle affectent le champ de la représentation. En 1909, il assiste en compagnie de Sonia au triomphe parisien de Louis Blériot qui vient de traverser la Manche en avion. Quelques années plus tard, en 1914, il présente au Salon des Indépendants une grande toile en hommage à l’aviateur. Pour cette composition, l’artiste réalise plusieurs études préparatoires, dont celle du musée de Grenoble. Dans cette esquisse se conjuguent la fascination de l’artiste pour les icônes de la modernité et ses expérimentations abstraites. Le petit avion comme les disques colorés de ce moment festif font écho à son intérêt pour la ville et le spectacle urbain.

  • Le Cheval

    Médium :
    Auteur : Raymond DUCHAMP-VILLON (Pierre Maurice Raymond DUCHAMP, dit)
    Date : 1914
    Dimension : 45 x 40 x 24 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
    Acquisition : Don de Jacques Villon et Marcel Duchamp en 1930
    Localisation : SA28 - Salle 28

    Détails

    L’art de Duchamp-Villon trouve son expression dans une synthèse du cubisme et du futurisme qu’il cherche à dépasser. L’artiste opte pour « la ligne, le plan, le volume et la vie dans ses équilibres, ses cadences, ses rythmes ».

    Son chef-d’œuvre, Le Cheval, est devenu un monument célébrant l’ère de la machine. En 1912, il s’empare du thème classique du groupe équestre pour en créer une évocation moderne. Peu à peu, il abandonne la figure du cavalier pour se concentrer sur la puissance du cheval. Il dissocie en grandes masses les différentes parties du modèle et traite chaque élément comme un volume géométrisé exprimant une ligne de force. Parvenu à une synthèse unique de la force vitale et de la force mécanique, il substitue rouage, bielle ou piston d’une locomotive aux membres de l’animal devenu désormais « cheval-vapeur ».

  • Synthèse plastique des mouvements d'une femme

    Médium :
    Auteur : Luigi RUSSOLO
    Date : 1912
    Dimension : 85,5 x 65 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
    Acquisition : Don de l'artiste en 1947

    Détails

    L’artiste signe en 1910 le Manifeste des Peintres futuristes et se joint au mouvement futuriste naissant réuni autour de la figure charismatique du poète Filippo Tommaso Marinetti. Glorifiant l’ère industrielle, le bruit, la machine et la modernité, tous déclament : « La splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle, la beauté de la vitesse. »

    Dans ce tableau, la figure, entièrement décomposée, n’est que tournoiement, spirale et rythme. Démultiplié, son corps dépasse les limites physiques du tableau pour donner la sensation du mouvement. Nourri des développements récents de la chronophotographie, l’artiste joue de la répétition de certains détails pour donner un aspect kaléidoscopique au personnage.

  • Composition abstraite

    Médium :
    Auteur : Marcelle CAHN
    Date : 1925
    Dimension : 72,4 x 49,7 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© droits réservés
    Acquisition : Achat à la Galerie des Ambassades en 1987
    Localisation : SA29 - Salle 29

    Détails

    Installée à Paris en 1925, Marcelle Cahn devient l’élève d’Ozenfant et de Léger. La rigueur et l’esprit de synthèse qui caractérisent son art la conduiront à l’abstraction vers la fin des années 20.

    Le Lavabo est un sujet moderne par excellence. Chaque élément est parfaitement identifiable malgré l’extrême schématisation. Évier, cuvette, robinet, jet d’eau, tuyauterie sont peints en aplats, dans un espace sans profondeur. La composition est orthogonale , à l’exception de la courte oblique du tuyau d’évacuation. Avec le noir, le blanc et le grisé qui donne une illusion de volume, les couleurs sont très proches de celles du Remorqueur de Fernand Léger. De ce dernier subsiste également l’esprit de modernité d’une esthétique de la machine qui mêle figuration et abstraction.

  • Paysans au travail

    Médium :
    Auteur : Natalia GONTCHAROVA
    Date : vers 1910 - 1911
    Dimension : 34,5 x 35,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat en vente publique en 1982
    Localisation : SA28 - Salle 28

    Détails

    Natalia Gontcharova est une figure marquante de l'avant-garde russe dans les années 1910. Cette œuvre révèle la double influence qu’elle a reçue entre 1909 et 1912 : celle de Braque et Picasso à l'aube du cubisme et celle de l'art populaire russe.

    Ce tableau illustre une scène de labeur à la campagne : une femme et deux hommes portant de lourds fardeaux se détachent sur un fond ocre. Les contrastes, très marqués au sein de la gamme chromatique allant des bleus les plus sombres au blanc teinté de bleu, engendrent de puissants volumes qui traduisent tout à la fois la rudesse du travail et la force des hommes. La position des trois personnages qui remplissent presque entièrement la toile confère une dimension monumentale à cette image de la paysannerie russe.

  • Le Café

    Médium :
    Auteur : Alberto MAGNELLI
    Date : 1914
    Dimension : 166,7 x 200 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
    Acquisition : Don de Mme Susi Magnelli en 1974
    Localisation : SA28 - Salle 28

    Détails

    Esprit libre et indépendant, Magnelli ne se lie à aucun mouvement mais élabore une peinture qui, après des retours épisodiques à la figuration, deviendra résolument abstraite à partir de 1935.

    Dans Le Café, des plans colorés géométrisés cernés de noir sont dépourvus de tout modelé. Les couleurs pures et les formes aux angles aigus et aux lignes courbes deviennent des motifs permettant de reconnaître ici un serveur avec plateau, bouteille et verre, là une femme et son ombrelle, là encore un store ou un pilier indiquant la terrasse d’un café.

    Cette peinture dynamique, à mi-chemin entre figuration et abstraction, fait de Magnelli un artiste de tout premier plan, en ces années cruciales où s'élabora l'art moderne.

  • Arlequin

    Médium :
    Auteur : Jacques LIPCHITZ
    Date : vers 1919
    Dimension : 45 x 15 x 12,5 cm
    Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Estate of Jacques Lipchitz
    Acquisition : Don de la Galerie Pierre Loeb en 1934
    Localisation : SA29 - Salle 29

    Détails

    Sculpteur français d'origine lituanienne, Lipchitz s'installe à Paris en 1919. En 1913, il découvre le cubisme lors de sa rencontre avec Picasso et Gris. Cette sculpture en terre cuite se présente comme une silhouette compacte constituée de multiples éléments assemblés. Même très schématisés, la coiffe, la collerette et le boutonnage suffisent à identifier Arlequin, thème qui revient à plusieurs reprises dans son œuvre en référence à la peinture de Watteau qu’il admirait. Grand amateur de musique, Lipchitz reproduisait volontiers des instruments, à l’instar des cubistes. Ici, il superpose et confond le bras droit avec une clarinette tandis que le contour du bras gauche s’apparente au profil d’une guitare. Des notes de musique sont gravées sur une surface lisse qui tient lieu de partition.

  • Le Remorqueur

    Médium :
    Auteur : Fernand LÉGER
    Date : 1920
    Dimension : 103 x 132,5 cm
    Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX© Adagp, Paris
    Acquisition : Achat à Fernand Léger en 1928
    Localisation : SA29 - Salle 29

    Détails

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    Entre 1920 et 1923, Léger représente à plusieurs reprises un bateau-remorqueur remontant lentement un fleuve devant un décor urbain et un fragment de paysage. Fondée sur l’horizontale et la verticale, la composition est ici animée d’obliques et de cercles qui produisent rythme et énergie. Les formes éclatées traduisent l’influence cubiste des années d’avant-guerre : les aplats géométriques se superposent et s’imbriquent dans une profusion de plans contrastés. Les droites s’opposent aux courbes, les pleins aux vides, les aplats de la machine aux modelés « tubulaires » des êtres vivants, le noir au blanc… Cette vision fragmentée, dynamique et colorée du monde caractérise la période "machiniste" du peintre. Elle symbolise la modernité et le progrès technique.