Le Prophète

Ossip Zadkine a 15 ans lorsqu’il se rend en Angleterre où il apprend le travail du bois chez des fabricants de meubles et élabore ses premières œuvres. En 1909, il s’installe à Paris, étudie quelques mois à l’École des beaux-arts, dont il rejette l’enseignement académique, et fréquente le Louvre. Le Prophète est révélateur de l’intérêt que porte l’artiste aussi bien à la statuaire de l’île de Pâques qu’à la sculpture romane. Cette œuvre, une de ses premières réalisées en taille directe et de grandes dimensions, marque une étape importante dans la carrière de Zadkine et dans le renouveau de la sculpture dont il est l’un des acteurs au début du XXe siècle. Le bois constitue l’un de ses matériaux de prédilection, il aime le transformer tout en respectant ses spécificités. Ainsi le corps du Prophète se confond avec le tronc de l’arbre ; il en souligne la verticalité et le caractère monolithique. À l’exception des mains, des avant-bras et des genoux, aucune saillie ne vient rompre cette silhouette longiligne. Au bois soigneusement poli, l’artiste préfère un matériau rugueux et à peine dégrossi qu’il traite de façon sommaire, comme le montrent les entailles des yeux et de la bouche ou le léger relief du nez. Cet usage de la taille directe n’est pas sans rappeler le primitivisme des objets de Gauguin ni celui des sculptures des artistes de Die Brücke, contemporains de Zadkine. Un primitivisme qui n’exclut pas la spiritualité mais au contraire la renforce ; ce personnage qui incarne un prophète semble être hors du réel, tant par sa stature que par son profond recueillement. Dans son livre Le Maillet et le Ciseau (1968), Zadkine écrit : « Après trois jours de vie avec ce bois, l’idée d’un prédicateur, d’un prophète, m’habita et me poussa à prendre marteau et ciseaux. Un mois s’écoula et le Prophète était là, avec sa longue tête et ses bras repliés pour une sorte de prière simple et primitive. » L’artiste est particulièrement bien représenté dans les collections du musée. Outre cette pièce majeure, trois de ses sculptures et deux grandes aquarelles ont été acquises par Andry-Farcy, avec lequel il entretenait de solides relations.
Un autre regard
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