Tête de vieillard

Essentiellement réputé pour ses tableaux d’histoire néo-grecs , orientaliste à ses heures et amateur de nudités lascives saisies dans l’intimité du hammam ou l’univers caché du harem, Jean Jules Antoine Lecomte du Nouÿ est aussi un portraitiste prolifique qui a réalisé pas moins de cent vingt-cinq portraits[1]. À côté des images intimistes de ses proches ou de ses amis du monde de l’art, on trouve nombre d’effigies officielles de notables – avocats, magistrats, médecins, officiers – mais aussi des membres de l’aristocratie dont l’artiste est lui-même issu[2]. La critique n’est pas toujours unanime à louer son habileté à saisir la physionomie de ses modèles. « Une grande sécheresse et des contours découpés, joints au raplatissement des surfaces, le tout aggravé par une froideur de ton inconsciente ou systématique, effacent à mes yeux toutes qualités dans le portait peint par M. Lecomte du Nouÿ »[3] souligne Paul Casimir Perrier à propos du Portrait de Melle E. T., son envoi au Salon de 1869. En 1883, un autre critique analyse ainsi son Portrait de Mme Evrard : « C’est de l’Ingrisme pur et poussé à l’outrance. Car le dessin, les lignes et le modelé sont fouillés avec une précision et un modelé délicat qui peuvent défier bien des maîtres »[4]. Son talent lui vaut en tout cas en 1895 – lors d’un séjour à Bucarest chez son frère André, devenu architecte de la couronne – de recevoir la commande de plusieurs portraits de la famille royale de Roumanie. Dans le corpus de ses portraits, on ne compte pas moins de trente-cinq dessins, réalisés au fusain ou à la sanguine rehaussés de craie blanche, ou encore au crayon graphite. Si certains préparent directement une peinture à l’huile sur toile, d’autres semblent avoir été conçus comme des œuvres abouties. Ainsi cette Tête de vieillard très expressive – donnée par l’artiste en 1905 en même temps que le _Torse de femme vue de dos _ et quatre autres feuilles – est un portrait de Giuseppe Risi, comme nous l’apprend l’inscription apposée par l’artiste en haut à droite. Il n’a pas été possible d’identifier le modèle et rien dans la correspondance de l’artiste ne nous permet d’en savoir plus à son sujet[5]. L’artiste a su saisir l’expression de l’homme âgé, à la barbe fournie et aux sourcils épais. Comme souvent dans ses dessins, l’artiste soigne le visage, ici ridé et dont les traits sont animés de mouvement, tout en laissant dans le flou la chevelure et l’amorce du cou. Le choix d’un papier brun permet l’ajout de craie blanche, soulignant les zones où la lumière modèle les chairs. « Regardez en passant les deux petits portraits fins et précis que M. Lecomte du Nouÿ a crayonnés à la mine de plomb, et arrêtons-nous aux fusains, qui sont nombreux et beaux »[6] propose Castagnary en 1892 lorsque l’artiste affronte le jury du Salon avec des portraits dessinés, signe que leur auteur accorde à ces feuilles un statut d’œuvre à part entière.
[1] Répertoriés dans le catalogue raisonné établi par Roger Diederen.
[2] Lecomte du Nouÿ descend d’une vieille famille de la noblesse piémontaise installée en France au XIVe siècle.
[3] Paul (Pierre) Casimir Perrier, Propos d’art à l’occasion du Salon de 1869, Revue du Salon, Paris, 1869.
[4]_ Salon de 1883, Dictionnaire Véron_, cit. dans New York, 2004, p.169.
[5] Communication écrite de Roger Diederen du 11 juin 2017.
[6] Cit. dans New York, 2004, p.161.
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