L'Anniversaire

Henri FANTIN-LATOUR
1875 - 1876
69,8 x 59 cm
62,3 x 50,4 cm (hors marge)
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don Victoria Fantin-Latour née Victoria Dubourg en 1904

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En décembre 1875, Fantin-Latour exécute une lithographie en mémoire de Berlioz (1803-1869), qu’il estime injustement méconnu. Il met au point une formule, en rupture avec celle du portrait d’admirateurs groupés autour du héros ou de son effigie de l’Hommage à Delacroix et d’Un atelier aux Batignolles[1], qui mêle allégories et personnages de fiction à la réalité. Devant le tombeau de Berlioz, une muse en noir déroule d’une main une liste de ses opéras. À gauche, la Musique, munie de sa lyre, pleure le compositeur, tandis qu’à droite, trois héroïnes de Berlioz apportent leurs hommages (Marguerite, une couronne, Didon, une palme et Juliette, tenue par Roméo, des fleurs qu’elle répandra). Au premier plan à droite, de dos, se tient Fantin qui, tel un donateur dans la tradition de la peinture religieuse, s’introduit dans la composition pour présenter son tribut, une couronne funéraire.
Satisfait de son « allégorie réelle », il présente l’estampe au Salon de 1877. Entre-temps, il décide de réaliser un tableau de grand format pour le Salon de 1876 : ce sera le célèbre Anniversaire du musée de Grenoble (MG 1219). L’estampe change alors de statut. D’œuvre définitive, elle se transforme en étape préparatoire. Fantin-Latour choisit une épreuve après la lettre (2e état), au format impressionnant, et la remanie au crayon noir et à la gouache. Testant des modifications de rapports de valeurs qu’il souhaite introduire dans le tableau, il accentue à la gouache le contraste entre la muse et Juliette par exemple. En un incessant va-et-vient entre le noir et blanc et la couleur, Fantin avait fait précéder cette estampe en noir et blanc d’une étude à l’huile : il emprunte donc ici un détour par le noir et blanc pour préparer le passage de la composition à la couleur. Ensuite, sur une autre épreuve du même tirage (MG 1468-2), il applique cette fois de la gouache de couleur.
À ce stade, le changement majeur, conservé dans l’œuvre définitive, concerne l’artiste de dos, qui dorénavant tourne la tête vers sa gauche. Convaincu par le résultat de ces recherches, qu’il complète d’innombrables études de morceaux, il met la composition au carreau en vue de sa transposition sur toile. La méthode a engendré deux pièces déroutantes – on songe dans le même esprit aux photographies de ses sculptures sur lesquelles Rodin redessine et qu’il réintroduit dans un processus préparatoire. C’est toute la séduction de ces œuvres hybrides et bricolées, à la fois abouties et esquissées, achevées et in progress. Celle-ci a été donnée par Fantin-Latour au musée de Grenoble en 1903.


[1] Hommage à Delacroix, Salon de 1864, Paris, musée d’Orsay ; Un atelier aux Batignolles, Salon de 1870, Paris, musée d’Orsay.

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