Main d'un bourgeois de Calais

Surnommé le « Michel-Ange moderne » Auguste Rodin a été le sculpteur qui a bousculé l’art officiel du XIXe siècle avant d’être reconnu comme un grand maître. Formé à l’École Impériale Spéciale de Dessin et de Mathématique dès 1854, l’artiste découvre sa vocation lors d’un cours de modelage de glaise. Il fréquente alors les collections du Louvre, les cours d’anatomie animale dispensés par Antoine Louis Barrye et la manufacture des Gobelins, où il réalise des études de nus. Son goût de l’antique et de la renaissance italienne, renforcé par son voyage en Italie en 1876, le pousse à collectionner au fil du temps nombre de fragments de statues grecques tandis que son attention se porte de plus en plus sur les mains et têtes, qu’il travaille très tôt de façon autonome. Il sculptera plus d’un millier de mains, dont celle dite Main d’un bourgeois de Calais. Créée pour le monument réalisé de 1884 à 1895 qui évoque le sacrifice de six citoyens de Calais, en 1347, pour sauver leur ville de l’emprise du roi d’Angleterre, cette main anatomiquement parfaite a été modelée pour deux hommes. Levée vers le ciel en signe d’abnégation pour Pierre de Wissant, elle est aussi utilisée dans une variation qui contribue à traduire le doute de son frère Jacques. Droit ou gauche selon le personnage, ce membre est également présent dans d’autres compositions, comme La main de Dieu ou Masque de Camille Claudel, sa collaboratrice et sa muse à partir de 1883. La notion de « corps en morceaux » était selon Rodin indispensable à la bonne connaissance du corps humain. Réalisée en terre cuite, cette ébauche parfaitement autonome est investie d’une expressivité puissante que le jeu du modelé et du mouvement vient souligner de façon magistrale.