Académie d'homme

Né à Thodure en Isère en 1834, Jean-Baptiste Nemoz fréquente l’atelier de Claude Bonnefond à l’École des beaux-arts de Lyon. Pensionné par le département de l’Isère, il intègre ensuite l’École des beaux-arts de Paris en 1857 où il suit l’enseignement d’Édouard Picot et d’Alexandre Cabanel. L’influence de ses maîtres est perceptible dans le traitement très académique de ses nus, fortement marqué par la statuaire antique. Il est aussi très impressionné par les œuvres de Michel-Ange qu’il découvre lors d’un voyage à Rome en 1870. Il est présent au Salon dès 1864, avec des envois toujours remarqués. La toile qu’il propose cette année-là, Avant le Crime, est achetée par l’État et déposée au musée de Beaune. En 1877, il obtient la médaille de troisième classe avec Thésée allant combattre le Minotaure. Puis l’année suivante, son Paradis perdu est de nouveau acquis par l’État (musée de Vienne). Ses sujets sont souvent des allégories ou des représentations mythologiques qui sont prétextes à la représentation du nu académique, soigneusement préparé par de nombreux dessins d’étude. Dans la préface du catalogue de la vente de l’atelier de Jean-Baptiste Nemoz, Henri Bernard note : « le dessin est chez lui d’une rigueur et d’une solidité que beaucoup de peintres modernes feraient bien d’imiter »[1]. En témoigne cette figure d’homme couchée, le bras tendu vers le bas, au crayon Conté rehaussé de craie blanche. Elle est directement préparatoire au tableau que l’artiste présente au Salon de 1890, Au bord du gouffre, acheté par la Ville de Valence et malheureusement détruit lors de l’incendie du musée en 1969. On y voit un jeune homme qui se penche vers sa bien-aimée – prête à tomber dans un gouffre – comme pour lui accorder un dernier baiser, ce qui explique la position de sa tête tournée. Le long serpent qui fait le lien entre les deux amants est absent du dessin. C’est pourtant lui qui les fera se rejoindre dans un destin funeste puisqu’il a déjà commencé à s’enrouler autour du poignet du jeune homme. Le serpent renvoie au thème du Péché originel, le gouffre à celui des Enfers et aux personnages d’Orphée et Eurydice, mais la figure féminine du tableau a plutôt l’apparence d’une Médée en furie, au regard brûlant. Le critique Armand Silvestre réagit ainsi au tableau final : « L’éternel tentateur est là, qui, des mêmes anneaux mortels, va les envelopper l’un et l’autre, livrant leurs chairs au même supplice, et c’est dans l’enlacement d’un serpent mystérieux qu’ils vont choir ensemble, inertes, d’un seul bloc, dans l’abîme dont on lit déjà l’horreur dans leurs yeux. Un souffle du Dante et de son Enfer semble avoir passé dans cette composition étrange et d’une impression mystérieuse[2]» . L’artiste fait preuve dans ce dessin d’une parfaite maîtrise du raccourci, mettant en valeur la musculature michelangelesque du sujet. L’utilisation de rehauts de craie blanche accentue la lumière sur le corps et le visage du jeune homme. Cette science de l’anatomie semble s’être quelque peu perdue dans l’œuvre finale : les proportions sont rendues de façon plus maladroite et l’étonnant raccourci perd de sa cohérence. Cette feuille a été achetée au fils de l’artiste en 1900, en même temps que cinq autres dessins pour la somme de 200 francs. Le conservateur Jules Bernard justifie ainsi son achat auprès du maire de l’époque : « La correction et l’élégance du dessin étaient les qualités dominantes du talent de cet artiste »[3].
[1] Catalogue des tableaux, esquisses et études provenant de l’atelier de J.-B. Némoz, Hôtel Drouot, Paris, 28 mars 1899, p.7.
[2] Armand Silvestre, Le Nu au Salon, Paris, 1890.
[3] Documentation du musée de Grenoble.
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