Bénarès, les bords du Gange

Tancrède BASTET (Jean Célestin Tancrède BASTET, dit)
1915
Huile sur toile
267 x 301 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat par commande à l'artiste en 1914
Centre national des arts plastiques
Dépôt au Musée de Grenoble en 2006

Voir sur navigart

En 1903, Tancrède Bastet est envoyé en mission artistique par le ministère des Colonies. Il arrive à Bénarès le 7 décembre au lever du soleil et, jusqu’à son départ le 6 janvier 1904, il fixera ses impressions de voyage avec des croquis, des peintures et des notes écrites[1]. L’artiste est d’emblée saisi par ce qu’il découvre : « Des palais, des temples, la foule qui grouille…, les baignades purificatrices, hommes femmes, enfants…, des scènes indescriptibles, les fakirs, les bûchers, les prières… Je suis frappé de la couleur de ces temples, de ces palais, de la rive du fleuve : c’est de l’or, du rose, du blanc éteint, une harmonie ravissante. Une impression de mystère me saisit : tout cela est encore bien plus beau que je ne l’avais espéré. Toutes les descriptions sont bien au-dessous de cette splendeur de tons, de cette couleur ! C’est beau, trop beau, et ce n’est pas un rêve !! » Dès son retour, Bastet peint plusieurs oeuvres qui témoignent de son éblouissement, dont un Charmeur de serpents à Bénarès offert par le général de Beylié en 1904 au musée de Grenoble. Bénarès, les bords du Gange, tableau commandé par l’État en 1914, nous apparaît telle une synthèse de cette expérience incroyable vécue dix ans auparavant. L’artiste a besoin d’un format hors-norme (H. 267 ; l. 301 cm) pour relater la vie foisonnante qui côtoie les rituels funéraires de crémation sur les berges sacrées du Gange dans un décor féerique de temples et de palais. Sa sensibilité d’artiste note la courbe d’un corps, la vibration de la lumière entre terre et eau, des harmonies colorées peu habituelles, mais on voit là les limites de la peinture qui ne peut rendre compte de ce qu’il éprouve avec ses autres sens : « une odeur âcre de chair grillée », « ses vilains singes et la puanteur du lieu », « un homme nu, jeune encore, mais d’une maigreur effrayante, poussant des plaintes et des gémissements », « un cri surhumain, comme le cri d’un enfant qu’on égorge » (le hurlement des chacals la nuit). La beauté exotique se heurte en permanence à la misère, mais l’expérience humaine et spirituelle de l’Inde est inoubliable : « […] Mes yeux s’en sont imprégnés et en moi la lumière de la ville sainte et mystérieuse de l’Inde ne s’éteindra jamais. »


[1] Tancrède Bastet, « Impressions de Bénarès, discours de réception à l’Académie delphinale, séance du 21 mars 1919 », Bulletin de l’Académie delphinale, t. XI, 1918-1919, p. 67-92.

Un autre regard

  • Invitation au voyage

    Le monde est une invitation, un appel au voyage ! Depuis le XVIIe siècle, les artistes en quête d’inspiration partent découvrir d’autres pays, d’autres cultures.

Découvrez également...