Autoportrait

Édouard d’Apvril commence sa formation
artistique auprès de Félix Cottavoz (1810-
1886). Grâce à une bourse décernée par la
Ville de Grenoble, il la poursuit à partir de
1866 à Paris dans l’atelier d’Isidore Pils (1815-
1875). À son retour en Isère, il se spécialise
dans les scènes de genre et le portrait.
Dans cet autoportrait, l’artiste se représente
de manière sobre, en homme de son temps.
Le bras droit dans le dos et la main gauche
à la poche, il adopte une pose pleine d’assurance,
reflet de cette « prestance aristocratique
héritée de sa famille paternelle[1] ».
Abandonnant les attributs du peintre, le
pinceau et la palette, il apparaît coiffé d’un
feutre noir, habillé d’un long par-dessus de
même couleur, prêt à aller rejoindre les cercles
artistiques grenoblois, auxquels il participait
en étant notamment vice-président de la
Société des amis des arts de Grenoble.
Ce choix de se représenter en homme public
peut surprendre pour un tableau destiné à
rester dans l’intimité familiale, puisque l’artiste
ne l’exposera pas aux Salons et que sa
fille le gardera en sa possession jusqu’à son
don au musée. Néanmoins, par certaines
caractéristiques tout concourt ici à créer
une atmosphère sombre qui pourrait traduire
une personnalité austère, voire sévère : le
noir-gris des vêtements, un arrière-plan non
défini dans les mêmes tonalités, un jeu de
clair-obscur qui dissimule dans l’ombre la
moitié du visage déjà caché par une grosse
moustache noire. Toutefois, par l’introduction
de teintes chaudes, l’artiste tempère
cette impression et suggère subtilement
le tempérament calme et discret dont ses
contemporains faisaient l’éloge[2]. Un sentiment
de douceur émane de son regard et de
ses yeux myopes, qui deviendront aveugles
à la fin de sa vie et qu’il habille ici de fines
lunettes rondes.
Peu porté à se représenter, on ne connaît de lui
qu’un autre autoportrait qu’il expose au Salon
de Lyon de 1867. Il avait alors vingt-quatre ans.
D’aspect plus mûr, dans une tenue vestimentaire
des années 1880, Édouard d’Apvril apparaît
ici dans la force de l’âge, une période de
sa vie où le peintre se spécialise dans l’art
du portrait, ce qui l’aurait peut-être poussé
à se prendre à nouveau pour modèle.
[1] Nathalie Servonnat-Favier, Édouard d’Apvril (1843-1928), Morestel, Maison Ravier, 1997, p. 3.
[2] « Ces êtres racés qui, discrètement, ont conquis l’admiration de leurs contemporains… C’est un homme très bon. » Ibid.
Un autre regard
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Le portrait au XIXe siècle
Le genre du portrait est particulièrement florissant dans l’art français au XIXe siècle. Les commanditaires changent et les artistes gagnent en indépendance.
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