Berlioz mourant
Pierre Rambaud sculpte son Berlioz mourant
vingt-quatre ans après la mort du musicien,
en dehors de tout contexte commémoratif,
après avoir déjà réalisé plusieurs représentations
du chevalier Bayard, une autre figure
historique de son Isère natale.
Il figure Hector Berlioz (1803-1869) rendant
son dernier souffle, assis dans un fauteuil, la
chemise entrouverte laissant voir son corps
décharné, la tête renversée en arrière, les yeux
clos et la main gauche sur le coeur alors que la
droite, qui a lâché la plume d’écriture, pend,
déjà inerte. Les grandes dimensions de la
sculpture accentuent son caractère poignant,
presque dérangeant tant la représentation
est réaliste et morbide. Le statuaire travaille
le marbre avec finesse et virtuosité (drapés,
touché des étoffes, texture de la peau, cils).
Les portraits tout en retenue et en dignité du
musicien diffusés alors par la photographie
sont à l’opposé de cette mort théâtralisée qui
n’a rien d’héroïque. Mais la lyre, symbole de
la poésie, la couronne en tiges d’églantiers et
l’inscription NON OMNIS MORIAR[Tout ne meurt
pas] aux pieds du compositeur nous rappellent
que la disparition du corps physique n’est
rien au regard des oeuvres qui demeurent
pour l’éternité et qui font entrer Berlioz au
panthéon des créateurs. Lesquelles oeuvres,
figurées par les partitions d’orchestre, sont
rassemblées sous le fauteuil du musicien. On
imagine sans peine que le génie visionnaire
n’aurait pas beaucoup apprécié de laisser
l’image d’un vieillard malade et souffrant
qu’il était pourtant à la fin de sa vie.
À la même époque, d’autres statuaires ont
produit des oeuvres inspirées de la tradition
des scènes d’agonie : Vincenzo Vela (1820-1891)
présente à l’Exposition universelle de Paris de
1867 un Napoléon mourant à Sainte-Hélène
moins émouvant (musée d’Orsay), tandis
que Rinaldo Carnielo (1853-1910) propose un
très réaliste Mozart expirant exposé au Salon
de 1882.
Pierre Rambaud s’éteint à l’âge de quarante
et un ans, quelques mois avant la présentation
de Berlioz mourant au Salon de Paris en 1894. L’oeuvre est appréciée par la critique :
« Je ne connais pas beaucoup de statues
qui soient d’un réalisme aussi sobre et aussi
saisissant et l’État s’honorerait en achetant
cette oeuvre pour l’un de nos musées », écrit
Weyl dans L’Art et la Vie en juin 1894.
Dans l’obligation de libérer l’atelier parisien
de son époux décédé et face à l’impossibilité
financière du musée de Grenoble d’acquérir
cette sculpture, sa veuve en fit don à ce
dernier en 1896.
Un autre regard
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La sculpture au XIXe siècle
La fin du XVIIIe siècle, en particulier suite aux fouilles d’Herculanum et de Pompéi, voit chez de nombreux artistes un regain d'intérêt pour les modèles grecs et romains.
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