Ecce Homo
Le sculpteur Henri Ding vit à Paris entre 1876
et 1878 et correspond régulièrement avec ses
premiers commanditaires Jules et Séraphie
Jouvin, une famille de gantiers grenoblois.
En 1877, il leur soumet son nouveau projet :
« À la prochaine exposition, je veux présenter
une oeuvre qui décidera de mon avenir : le plus
grandiose des sujets : un Christ, un Ecce Homo
– Je suis si vivement ému par cette scène de
la Passion qu’il me semble que je réussirai :
mais, hélàs [sic] ! pour accomplir mon projet,
il y a toujours surtout dans notre art l’obstacle
de la dépense qui vient se placer en face du
pauvre artiste, comme un mur d’airain infranchissable.
Votre position dans la société, votre
piété si éclairée vous ont mis en relation avec
les hommes éminents du clergé et les communautés
religieuses. Serait-il possible d’obtenir
d’eux une avance qui me mettrait à même de
travailler sans souci des besoins matériels : à
celui qui aurait foi en moi, qui me seconderait
appartiendrait ma statue que j’offre comme
garantie. Réussie, médaillée, elle vaudrait infiniment
plus que la somme avancée et je ne crois
pas pouvoir être taxé d’orgueil en affirmant
qu’elle sera digne du sujet[1]. » Il obtient l’aide de
ses mécènes et parvient à finaliser son projet. Il présente Jésus le Nazaréen au Salon à Paris
en 1878. Cette statue en plâtre de grande taille
montre le Christ couronné d’épines, assis sur
un bloc de pierre sur lequel sa cape est tombée.
Les mains entravées par une corde, il tient un
sceptre de roseau (aujourd’hui disparu). Cette
oeuvre très poignante figure Jésus après la
flagellation et illustre cet extrait de la Bible :
« Ils [les soldats romains] tressèrent une couronne
d’épines, qu’ils posèrent sur sa tête, et ils
lui mirent un roseau dans la main droite ; puis
s’agenouillant devant lui, ils le raillaient, en
disant : Salut, roi des juifs ! » (Matthieu, 27/29).
Mais Henri Ding n’obtient pas le succès
escompté comme il le déplore dans une nouvelle
lettre à Séraphie Jouvin en août 1878 : « Malheureusement
l’Institut avec ses tendances
classiques professe d’autres doctrines que
la Jeune École réaliste et j’ai été l’innocente
victime de leur lutte^2. » Il propose de lui offrir la
statue en dédommagement de ses bienfaits[3].
Transporté à Grenoble, Ecce Homo est présenté
au Salon des amis des arts en 1880.
Dans ce contexte plus favorable au sculpteur
grenoblois, l’oeuvre est bien accueillie. Quand
une délibération du conseil municipal confie
le soin à la Société des amis des arts de sélectionner,
pour un montant de 2 000 francs, une
oeuvre exposée au Salon et destinée au musée,
le choix se porte sur « le Christ, statue en
plâtre de notre compatriote, Monsieur Ding,
sculpteur à Grenoble. La commission a pensé
que cette oeuvre savamment modelée et d’une
forte expression de douleur et de résignation,
tiendra une place honorable dans notre musée
de sculpture et que cette appréciation de son
talent sera pour ce jeune artiste un encouragement
à persévérer dans ses efforts[4] ».
[1] Cité par Yves Jocteur Montrozier dans Henri Ding et ses premiers commanditaires : Jules et Séraphie Jouvin. « La tombe d’Hélène et de Claude Jouvin au cimetière Saint-Roch de Grenoble », tapuscrit, [2013].
[3] On ignore si sa proposition fut acceptée par la famille Jouvin.
[4] AMG, R2/46, lettre de la Société des amis des arts au maire de Grenoble, 24 août 1880.
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