Souvenir de La Grave en Oisans

Henri BLANC-FONTAINE
1855
Huile sur toile
104 x 167 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à l'artiste en 1856
Localisation :
SA20 - Salle 20

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Souvenir de La Grave fait suite au voyage accompli par Blanc-Fontaine en 1853 en Oisans, en compagnie de son fidèle ami Diodore Rahoult et du peintre péruvien Francisco Laso (1823-1869). Au cours de ce périple, les trois hommes se confrontent à la grande nature alpestre et observent sur place les moeurs des habitants. Ému par la vue d’une scène d’enterrement, Blanc-Fontaine décide, deux ans plus tard, d’en faire le sujet de l’une de ses compositions. Dans un dessin préparatoire[1], il campe les personnages principaux qui sont trois vieilles femmes coiffées d’un fichu. L’une est croquée en pied, l’autre à mi-corps tandis que n’apparaît que le visage de la troisième. Puis, la présence de trois jeunes enfants sur une esquisse de petites dimensions[2] vient compléter ce premier groupe. Malgré une touche rapide, on distingue également sur cette ébauche les silhouettes de plusieurs personnages en arrière-plan. Dans son tableau final, Blanc-Fontaine modifie légèrement la disposition de ce dernier groupe, mais conserve les deux autres en précisant leurs gestes. Ainsi, on retrouve au premier plan les trois vieilles femmes, assises sur un rocher, appuyées sur une canne ou les mains jointes, se recueillant à la vue du passage d’un convoi funèbre. Le jeune garçon qui les accompagne, accoudé sur l’une d’elles, observe la scène avec détachement. À leurs pieds, deux petites filles s’amusent à reproduire avec insouciance ce triste évènement. Sur un petit monticule de terre, sculpté par leurs soins, elles déposent un crucifix improvisé en mémoire du défunt. Au loin, le curé, entouré d’un cortège de villageois, procède à l’inhumation sous un ciel chargé de nuages, mais laissant entrevoir les somptueuses montagnes de l’Oisans.
Souvenir de La Grave occupe une place importante dans l’histoire de l’art régional en raison non seulement de sa dimension ethnographique et spirituelle, de sa portée universelle, mais aussi par rapport au sentiment d’authenticité qui s’en dégage. « Une aspiration élevée, une préoccupation généreuse du sentiment[3] » sont les expressions utilisées par le critique Maxime Du Camp, fondateur de la Revue de Paris, pour souligner la force de cette scène de genre. Dans sa toile, l’artiste prend soin de retranscrire avec pudeur les émotions. Il signifie son goût pour les paysages locaux qu’il arpente régulièrement. Quant au caractère spirituel de l’oeuvre, il faut rappeler qu’un an plus tôt Henri Blanc- Fontaine travaillait aux peintures de la chapelle de la Vierge pour l’église Saint-André de Grenoble, la sensibilité religieuse étant certainement l’aspect le plus frappant dans sa production. Empreinte de simplicité et de recueillement, cette scène montagnarde connaît un large succès populaire. Certes, « le dessin de ce tableau, très bien composé, s’égare une ou deux fois dans des exagérations inutiles » et « sa couleur générale est encore un peu grise », mais Souvenir de La Grave émeut le jury de l’Exposition universelle qui lui octroie en 1855 la mention honorable et une médaille de première classe[4]. L’oeuvre est acquise l’année suivante par la Ville de Grenoble tandis que l’artiste en fait une copie de plus petites dimensions dix ans plus tard[5].


[1] Souvenir de La Grave, dessin préparatoire, vers 1855, crayon et aquarelle sur papier, coll. part.
[2] Souvenir de La Grave, esquisse, vers 1855, huile sur toile, H. 15 ; l. 23 cm Chambéry, Musée savoisien.
[3] Maxime Du Camp, « Beaux-arts », Revue de Paris, 1er août 1855, t. XXVII, Paris, Librairie nouvelle, 1855, p. 404-434.
[4] Explication des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, lithographie et architecture des artistes vivants étrangers et français, exposés au Palais des Beaux-arts, le 15 mai 1855, Paris, Vinchon, imprimeur des Musées Impériaux, 1855, n°2579, p. 262.
[5] *Procession à La Grave [Vieilles femmes et enfants à La Grave], 1865, huile sur toile, H. 81 ; l. 101 cm, Grenoble, Musée dauphinois, inv. 64.5.1

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