La Statue de Marc Aurèle au Capitole

Luca GIORDANO
XVIIe siècle
Sanguine sur papier vergé beige lavé à la sanguine
45,1 x 28,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Mode et date d'entrée inconnus (probablement collection Mesnard).

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Un passage capital de la biographie de Luca Giordano par De Dominici, le grand historiographe napolitain, éclaire tout à la fois les circonstances dans lesquelles naquit l’épithète qui fut accolé pour des siècles à l’artiste, Luca fa presto, allusion à son extrême rapidité, et sa technique du dessin sur papier coloré à la sanguine, dont le Marc Aurèle est un bel exemple : « Assisteva il padre nel mentre che Luca disegnava, e spinto dalla necessità di vedere i di lui disegni, [...] sollecitavalo a più potere, a segno tale, che per non fargli perdere tempo cibavalo di suamano, sempre dicendogli Luca fa presto: qual cosa intesa da quei giovani, che anche disegnavano per proprio studio, cominciarono a chiamarlo Luca fa presto; onde ebbe origine il nome, che poi sempre ritenne. E per far presto i disegni, inventò Luca la maniera di tingere la carta con la polvere che radeva dalla matita rossa, lasciando il colore della carta per mezza tinta, e lumeggiandola con lapis bianco, con pochi facili e maestrevoli scuri[1]. » Le surnom lui vint donc de ses camarades de jeunesse non pas à propos de sa peinture mais de ses dessins. L’acharnement qu’il manifesta pendant son premier voyage à Rome à copier les innombrables motifs de l’Antiquité, mais aussi de la Renaissance ou de la peinture contemporaine, comme c’est le cas de la Mort de la Vierge (MG D 551) d’après Carlo Saraceni, ou de ses copies d’après Pierre de Cortone, témoignent de l’importance du dessin, à la base de sa formation.
Le Marc Aurèle de Grenoble vient s’ajouter aux deux autres feuilles déjà publiées par G. Scavizzi, l’une montrant le cavalier de profil (localisation inconnue), l’autre le présentant de face, comme ici (Angleterre, collection privée). Tous deux sont dessinés sur de grandes feuilles (54 x 39 cm et 45,2 x 31,5 cm) à la sanguine, mais seul le second présente la même préparation qui procure à la feuille cette tonalité rose orangé très particulière. Selon C. Loisel (op. cit.), Giordano n’aurait pas fait ces dessins devant le modèle mais se serait servi d’une gravure.
Ces dessins de Marc Aurèle, datés par G. Scavizzi entre 1650 et 1655, ont été visiblement faits au même moment que la copie (Naples, collection De Giovanni) de la statue hellénistique de l’Hercule Farnèse (Naples, Museo di Capodimonte) réalisé avec la même technique et sur une feuille également de grandes dimensions (38 x 24 cm). Ces caractéristiques ne se limitent pas à ces dessins d’après l’antique – Giordano pratique encore dans les années 1670 la préparation de ses papiers à l’aide de la poudre de sanguine –, mais leur cohérence en fait des témoignages de la capacité de Giordano à maîtriser des formes monumentales et à en renouveler l’intérêt grâce à une écriture vibrante et une vision rafraîchie.


[1] De Dominici, 1742-1745, III, p. 396 : « Pendant que Luca dessinait, son père était présent, et, poussé par la nécessité de voir ses dessins, il le stimulait sans arrêt, à tel point que, pour ne pas lui faire perdre de temps, il lui donnait à manger de sa propre main, en lui disant sans cesse : Luca fais vite: ce qu’entendant, ses camarades qui dessinaient dans le même atelier, se mirent à l’appeler “Luca fait vite” ; c’est de là que vient le nom qui lui resta toujours. Et pour faire rapidement ses dessins, Luca inventa la manière de teinter le papier à l’aide de la poudre de sanguine prélevée au rasoir, laissant la couleur du papier en demi-teinte, et la rehaussant au crayon blanc, ajoutant avec aisance et maestria quelques ombres. »

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