Bât de mulet

Les collections de Grenoble conservent deux
dessins au pinceau montrant des bâts de
mulets. Alors qu’ils portent des attributions
à deux artistes hollandais italianisants différents,
ils nous semblent tous deux revenir à Jan
Wyck. Celui présenté ici était donné à Carel du
Jardin et le second à Jan Asselijn (MG D 1665).
Il est assez surprenant de constater que deux
oeuvres similaires, aussi bien par leur composition
que par leur style, aient été attribuées à
deux mains différentes alors qu’elles se trouvaient
réunies dans la collection de Léonce
Mesnard, à la fin du XIXe siècle. Leur attribution
à Du Jardin ou à Asselijn n’était pourtant
pas absurde, ces deux artistes représentant
fréquemment dans leurs oeuvres des mulets
munis de bâts.
Dans cette feuille, dessinée à la pierre noire
et au lavis gris, Jan Wyck retient un objet qui
lui est familier : en tant que peintre animalier
renommé, notamment pour ses chevaux, les
bâts de mulets font partie de son répertoire
ordinaire.
Fils de Thomas Wyck, artiste italianisant
célèbre pour ses scènes d’intérieur avec des
scientifiques, Jan accompagne son père vers
1660 en Angleterre où il fait une belle carrière. Il travaille pour l’aristocratie anglaise
et se spécialise, conformément au goût de ses
commanditaires, dans les batailles, les chasses
et les portraits de cavaliers[1]. Il peint et dessine
aussi des vues de châteaux comme le montre
le dessin au pinceau et au lavis à l’université
de Yale, dont la technique n’est pas éloignée de
celle du dessin de Grenoble[2]. D’autres dessins
de Jan Wyck sont connus, comme des études
de personnages et d’animaux, conservées à
Édimbourg ou encore des paysages, qui se
trouvent au British Museum à Londres. Une
Course de chevaux s’est vendue le 10 juillet
2002 chez Sotheby’s à Londres pour un prix
très élevé (107 000 livres) ce qui montre l’intérêt
toujours très vif pour ce genre d’oeuvres.
C’est la comparaison avec un dessin montrant
des selles, conservé au Rijksprentenkabinet
de Leyde[3] et signé « Wijk », qui nous permet
d’attribuer les deux dessins de Grenoble à
cet artiste. La technique est la même dans les
trois feuilles ainsi que la mise en espace des
objets en vue plongeante et le jeu contrasté des
ombres et lumières, obtenu par le pinceau.
Peintre souple et élégant, qui n’a pas encore
attiré suffisamment l’attention sur lui, et paysagiste
intéressant, Wyck figure parmi les nombreux
artistes hollandais actifs en Angleterre à
la toute fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle,
appréciés pour leur virtuosité technique et
leur habileté à donner une image de la société
aristocratique anglaise de l’époque. L’importance
accordée au paysage et le traitement de la
lumière sont des traits caractéristiques de son
talent. Cette façon de dessiner le rapproche de
Dirk Maas, autre peintre hollandais actif en
Angleterre à la même période. Wyck et Maas,
dans leur manière d’intégrer harmonieusement
l’homme dans le paysage, jouent un rôle
non négligeable dans l’éclosion de l’école de
peinture anglaise du XVIIIe siècle.
[1] Il peint notamment le Portrait équestre du roi Guillaume III.
[2] Yale, Paul Mellon Collection, New Haven, voir Reynolds 1977, p. 268.
[3] Jan Wyck, Selles, Leyde, Rijksprentenkabinet, voir cat. exp. Amsterdam, 1956, n°146.
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XIe siècle av. J.-C. - Xe siècle av. J.-C. -