Vue de Grenoble prise de l'ancienne Porte Saint-Laurent

Malgré son talent, le jeune Achard ne possède ni les moyens pécuniaires ni les relations pour aller se perfectionner à Paris et se lancer dans une carrière d’artiste. En rencontrant les adeptes du mouvement saint-simonien, qui essaime depuis la capitale partout en France, et notamment à Lyon et Grenoble, il va trouver une « religion » dont les théories sociales et économiques, issues de la pensée de Claude de Saint-Simon, sont proches de l’idéal égalitaire auquel il aspire. D’autant que leur projet de partir en Égypte, pour mettre leurs compétences et leurs idées à l’épreuve de la réalité, est une aubaine pour l’artiste. Quand il ne participe pas à la réalisation d’un barrage sur le Nil, Jean Achard est professeur de dessin à l’école de cavalerie de Gizeh avec le sculpteur Henri Alric (1804-1835), un élève de Bartolini, qui mourra de la peste à Abouzabel. Achard découvre un Orient moins romantique que celui proposé par les peintres voyageurs de 1830, puisque plusieurs membres de l’expédition seront emportés par l’épidémie. L’aventurier ne s’est pas enrichi, mais il revient à Grenoble via l’Italie avec une vocation renforcée et un style mûri par la lumière du Levant. Oubliant un temps les pyramides et les ruelles du Caire, qui constitueront les sujets des premiers tableaux présentés au Salon de Paris en 1839, l’Isérois retrouve ses thèmes de prédilection et se remet au travail.
Ce tableau, qui est certainement lié à une commande, figure parmi les premières oeuvres exécutées à son retour d’Égypte en même temps que la dernière sur ce thème. Il reprend une composition similaire, dans un format plus grand, datant de 1830. Les quais sont peints depuis l’ancienne porte Saint- Laurent sur la rive droite, en amont de l’Isère. Au premier plan, les habitations et l’escalier donnent directement sur la berge où est amarrée une cyselande, bateau plat avec abri bâché destiné au transport des marchandises. Non loin, de petits personnages animent la scène. À gauche, saisis avec plus de recul que dans le tableau initial, la tour de l’Île, le pont de bois – longtemps unique passage entre les deux rives et qui sera remplacé peu de temps après –, puis le clocher élancé de l’église Saint-André. Au fond, le massif du Vercors : de gauche à droite, l’Éperimont, le Pilleu et le pic Saint-Michel sont représentés avec réalisme. Les volumes sont bien en place, la perspective parfaitement maîtrisée et la douce lumière bleutée qui baigne l’ensemble de la composition nous prouvent, s’il le fallait, les apports du séjour en Égypte. Empreinte d’un réalisme profond, la fidélité de l’artiste au motif rappelle la force des védutistes italiens et français du xviiie siècle. Les arbres à gauche de la tour de l’Île, le terrain du premier plan, à droite, traité dans une matière plus épaisse, annoncent les oeuvres plus tardives.
Un autre regard
-
Les paysages dauphinois
Admiré pour sa beauté, pour sa lumière et pour la diversité de ses espaces, le paysage dauphinois est un sujet cher aux artistes régionaux.
-
Le paysage au XIXe siècle
Au XIXe siècle, la peinture de paysage prend une place considérable dans la production des peintres. Elle cherche à rompre avec l'académisme et ses règles de composition.
Découvrez également...
-
Marguerite lisant
1906 -
Lame
s.d. -
Assiette à la fleur
vers 1909