Torse de rameur

Jules-Elie Delaunay est, avec Pierre Puvis de Chavannes et Joseph Blanc , un des nombreux artistes sollicités en 1874 par le marquis de Chennevières, alors directeur des beaux-arts, pour achever la décoration intérieure du Panthéon, redevenu une église. À la fois lieu de culte dédié à sainte Geneviève – en raison des reliques conservées dans l’édifice construit par Soufflot au XVIIIe siècle – et temple laïc à la gloire des grands hommes, le Panthéon fait l’objet de nombreux changements d’affectation au cours du XIXe siècle. Le projet voulu par Chennevières est le suivant : « confier à quelques-uns de nos peintres et de nos sculpteurs la décoration de la basilique nationale de Sainte-Geneviève, décoration où la légende de la patronne de Paris se combinerait avec l’histoire religieuse de la France »[1]. Chaque artiste se voit chargé de la décoration complète d’une paroi de la croix latine de l’édifice. « Le premier entrecolonnement à gauche représenterait Attila marchant vers Paris, après avoir brûlé Trèves, Metz, etc. ; les trois entrecolonnements suivants représenteraient sainte Geneviève calmant la multitude affolée par la nouvelle qu’Attila se dirige sur Paris, et prophétisant que la ville ne subira pas l’invasion du fléau de Dieu »^2. Tel est le programme précis des deux compositions que le directeur des beaux-arts destine à Jules-Elie Delaunay dont il loue « le talent si solide et le pinceau si preste »[3]. Le dessin de Grenoble prépare directement la figure de rameur qui se trouve au premier plan à droite du dernier panneau, consacré à l’Archidiacre Gelduins apportant à sainte Geneviève des pains bénits envoyés par saint Germain, (Panthéon, Paris). Dans cette scène, l’archidiacre Gelduins, suivi de quelques personnes, porte à la sainte le secours de sa parole et l’autorité de saint Germain dont il est représentant. Dans la feuille de Grenoble, l’artiste étudie précisément le drapé – un linge noué en pagne autour du bassin –, le corps du rameur étant réduit à une simple silhouette tracée sommairement. Ce dessin intervient dans une phase avancée de recherche, la position du personnage étant identique dans la peinture finale. Il existe au musée de Grenoble , comme au musée des beaux-arts de Besançon (D 1058), au musée des beaux-arts de Lille (W.2092) et au musée d’Orsay [4] (RF 16697, Ro), plusieurs dessins préparatoires pour ce rameur, toutes feuilles d’étude pour l’orientation du buste, de la tête et dans lesquelles l’homme apparaît nu. Un seul dessin du musée des beaux-arts de Besançon (D.1059) montre l’homme vêtu d’une chemise retenue à la taille par une taillole colorée, option abandonnée par l’artiste au profit d’un drapé. Malgré son traitement très abouti, avec ses rehauts de craie blanche et son jeu subtil de traits de crayon Conté et de fusain, sa mise au carreau destinée au report, le dessin de Grenoble ne montre pas encore la version définitive du drapé. Celui retenu dans la peinture est en effet moins couvrant, laissant voir une plus grande portion du buste du rameur. Le musée de Grenoble conserve, grâce aux libéralités de l’artiste et de ses exécuteurs testamentaires, sept autres feuilles préparatoires aux décors du Panthéon[5], chantier décoratif que l’artiste n’achèvera pas.
[1] Journal Officiel du 17 mai 1874, cité dans cat. exp. Jules-Elie Delaunay, 1828-1891, Nantes, musée des beaux-arts, 1988, p.135.
[3] Cité dans cat. exp. Jules-Élie Delaunay, 1828-1891, op. cit., p.137.
[4] Conservé au Louvre, département des Arts graphiques.
[5] MG 1152-1, MG 1152-2, MG 1152-3, MG 1154-1, MG 1156-1, MG 1156-2, MG 1157-1, MG 1157-2. Avec ce dessin, cela porte à neuf le nombre de feuilles préparatoires au décor du Panthéon dans la collection de Grenoble.
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