Tête d'Eole

Jean II RESTOUT
XVIIIe siècle
Sanguine, rehauts de craie blanche sur papier vergé chamois
17,4 x 18,4 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3547, n°485).

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Jean Restout naît dans une famille de peintres normands où il reçoit sa première formation, avant d’entrer dans l’atelier de son oncle Jean Jouvenet. De 1707 à 1717, ce dernier transmet à Restout la grande manière de la fin du XVIIe siècle : une composition claire et efficace, un coloris chatoyant et une théâtralité que le peintre développera avec talent. Jouvenet s’éteint en 1717, l’année de l’agrément de Restout à l’Académie. La méthode de travail héritée de Jouvenet donne une place primordiale au dessin. Toutes les compositions sont précédées d’un important travail graphique qui se singularise toujours, chez Restout, par une grande vivacité d’exécution. Depuis les premières études importantes consacrées à l’artiste, par Antoine Schnapper et Pierre Rosenberg (1970), ses dessins, facilement reconnaissables, n’ont cessé de refaire surface. Leur chiffre était passé de cinquante en 1970 à cent trente sept en 2000, dans la monographie raisonnée de Christine Gouzi. Le rythme des découvertes ne s’est pas ralenti et les ventes, les collections privées et publiques, alimentent avec constance ce corpus. L’étude du fonds de Grenoble permet d’augmenter ce corpus en fournissant huit feuilles inédites, retrouvées parmi les anonymes français du XVIIIe siècle. La Tête d’Éole en est la plus fougueuse et semble parfaitement illustrer les propos de Restout sur l’emploi du dessin : « On doit lire son sujet avec une extrême attention, puis jeter avec feu sa pensée sur le papier » . Le dessin s’inscrit probablement dans les recherches menées lors de la préparation d’une peinture, aujourd’hui conservée au musée de l’Ermitage, et représentant Junon chez Éole . Voulant détourner Énée du chemin de l’Italie, Junon se rend auprès d’Éole et lui demande de libérer les Vents pour détruire la flotte du fils de Vénus (Virgile, Énéide, I, 50-80). Cette peinture, datée de 1727, reprenait en grande partie l’ordonnance d’une composition de Louis de Boullogne, réalisée en 1718[1] . Restout s’y montre surtout original par son traitement pictural et quelques inventions comme les figures entremêlées des deux Vents, pour lesquelles le dessin grenoblois constitue probablement une première pensée, sans toutefois correspondre exactement à l’un d’entre eux.
Les trois autres études de têtes que nous rendons ici à Restout, avec l’aval de Christine Gouzi, sont Tête de femme en capuchon[2], préparatoire à l’une des Parques de l’Orphée aux Enfers du Louvre, et deux têtes d’hommes que nous n’avons pas pu mettre en rapport avec une peinture précise[3].
Parmi les artistes actifs durant la première moitié du XVIIIe siècle, Restout est probablement celui qui est le plus marqué par l’héritage du Grand Siècle. Il fait preuve toutefois d’un sens de la mise en scène bien plus spectaculaire. Ses figures, proches de celles de Jouvenet dans leur présence monumentale, sont plus anguleuses et plus allongées. Elles présentent souvent des visages étirés et pointus qui sont l’une des marques de fabrique de l’artiste et que l’on retrouve parfaitement dans les études du musée de Grenoble.
Mentionnons pour terminer une grande sanguine figurant une Tête d’homme barbu, classée sous le nom de Restout, qui semble plutôt être une copie d’après le visage du personnage masculin, placé à l’extrême gauche du Triomphe de Bacchus de Potsdam[4] .


[1] Composition connue par une estampe de Charles Dupuis. Une version peinte, probablement une copie, est passée en vente à Monaco, Christie’s le 15 juin 1990, n° 46.
[2] MG D 1275, pierre noire et rehauts de blanc, H. 14,8 ; L. 11,9, classé dans anonymes français du XVIIIe.
[3] MG D 1567, Tête d’homme (classé dans anonymes XVIIIe), pierre noire et rehauts de blanc, H.16,3 ; L.20,5. MG D 1372, Tête d’homme, pierre noire et rehauts de blanc, H.23,3 ; L.19,1.
[4] MG D 1371, Tête d’homme (classé comme attr. à Restout), sanguine, H. 34.5 ; L. 29.2. Reprend très exactement la tête d’un personnage masculin, à l’extrême gauche du tableau, conservé au château de Sans-Souci à Postdam (Inv. I-5227, Gouzi, 2000, n° P 172, p. 304).

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