Paysage

Né vers 1485 à Feldkirch, Wolf Huber est,
avec Albrecht Altdorfer, le représentant le plus
célèbre d’un groupe de paysagistes pour lequel
Theodor von Frimmel a inventé la belle désignation
d’« école du Danube ». Actifs entre
1510 et 1550 dans le sud de l’Allemagne, dans
une vaste région située entre le Danube et le
bord des Alpes, ces peintres insèrent le plus
souvent des sujets religieux dans des paysages
grandioses et sauvages, aux reliefs accusés et
aux couleurs chatoyantes. La grande sensibilité
à la nature qui se lit dans les montagnes
densément boisées, les forêts impénétrables et
les rivières torrentielles sont le signe distinctif
de cette école qui trouve ses origines dans certaines
compositions d’Albrecht Dürer, comme
le Saint Jérôme de Londres[1], ou de Lucas Cranach
dans sa période viennoise, au tout début
du XVIe siècle. Le succès de cette école est considérable
comme l’attestent bien les nombreuses
copies peintes et dessinées dont font l’objet
les oeuvres principales de ces artistes. L’art
du paysage en Europe connaît alors son apogée
et, dans certaines oeuvres, toute présence
humaine disparaît, comme on peut le voir
dans le Paysage avec le château de Wörth d’Altdorfer,
à l’Alte Pinakothek à Munich[2].
Le paysage de Huber étudié ici, exécuté à la
plume et à l’encre noire, est très équilibré et
savamment composé. Les arbres pittoresques,
comme le saule à gauche, sont reliés à l’arrière-
plan montagneux et escarpé par un vaste
pont aux multiples arcs. Le rocher creusé est
un élément emprunté aux oeuvres de Léonard
de Vinci, dont les paysages grandioses
influencent les artistes européens depuis le
début du XVIe siècle. Ce dessin est mentionné
comme une oeuvre « dans le style de Wolf Huber »[3], dans une exposition de 1984 à Paris,
ce qui est juste car il s’agit d’une belle copie
d’après l’artiste. Cependant, on ne connaît
pas aujourd’hui le dessin original qui a servi
de modèle. L’auteur de cette feuille utilise un
jeu important de hachures parallèles, imitant
à la perfection l’art de Huber, même si l’utilisation
de la plume est ici plus sèche. L’artiste
mêle l’observation sur le vif à une approche
calligraphique et ornementale, ce qui marque
surtout ses premières oeuvres qui deviennent
presque « romantiques » dans les années 1520.
C’est à cette période qu’il faut situer l’original
de la feuille de Grenoble, entre le Paysage au
pont de 1515[4] et la Vue la ville de Feldkirch de
1523[5]. Cette oeuvre, malgré son caractère non
autographe, complète bien l’ensemble des dessins
de Huber conservés en France. Le Louvre
possède deux portraits et le musée des beaux-arts
de Lyon[6], ainsi que l’École nationale des
beaux-arts[7], des études architecturales, ce qui
signale le double intérêt de l’artiste pour la
peinture et pour l’architecture.
La feuille provient, selon sa marque de collection,
du marchand et expert Giuseppe Vallardi
(1784-1863), célèbre pour son codex contenant
en grande partie des dessins de Pisanello, acquis
par le Louvre en 1856 sous une attribution à
Léonardo. Ce qui restait de cette collection a été
dispersé à l’hôtel Drouot en 1860.
[1] National Gallery, Inv. NG6563.
[2] Alte Pinakothek, Inv. WAF 30.
[3] Cat. exp. Paris, 1984, n° 208.
[4] Munich, Staatliche Graphische Sammlung, voir Heinzle, 1953, no 28, repr.
[5] Londres, British Museum, Inv. 1883, 0714.101.
[6] Voir cat. exp. Paris, 1965, n° 177, repr. (le dessin est daté de 1527).
[7] Paris, École nationale des beaux-arts, Inv. M 55.
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