Personnages chinois

François BOUCHER
XVIIIe siècle
Pierre noire sur papier vergé beige
18 x 15,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (lot 3549, n°695).

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Ce dessin rapide à l’écriture particulièrement énergique, presque abrupte par endroit, représente un mandarin chinois à qui une jeune femme offre des fleurs. L’histoire des motifs chinois dans l’art occidental remonte aux dernières décennies du XVIIe siècle. L’œuvre décorative de Jean Berain (1640-1711) est une des premières dont l’inspiration stylistique fut décrite comme relevant de la production d’objets chinois. Leurs formes semblent à notre œil peu caractéristiques de l’art extrême-oriental mais elles étaient identifiées comme telles par les contemporains. Parmi les peintres de figures et bien avant Watteau, Joseph Parrocel semble avoir été l’un des premiers peintres français à peindre des sujets chinois. Les œuvres de cet artiste, conservées sur ce thème, sont rares mais les mentions anciennes décrivant des toiles sur de tels sujets sont explicites .
Le développement de motifs exotiques, identifiables encore de nos jours comme proprement chinois, apparaît avec Watteau, une quinzaine d’années plus tard. Ce dernier peignit une série de trente peintures sur ce thème pour le château de la Muette. Parmi ces peintures, douze d’entre elles ont été gravées par François Boucher. Les gravures, d’après l’œuvre de Watteau (par Jeaurat, Aubert ou Huquier), restent pendant de longues décennies la source d’inspiration principale pour les artistes européens. Cependant, chez Boucher, la connaissance des formes de l’art chinois s’appuie également sur les gravures illustrant les récits de voyages d’Arnoldus Montanus (1669) et d’autres auteurs . Il commença en outre, dès la fin des années 1730, une importante collection d’objets venus de Chine, constituée essentiellement de porcelaines et de laques. Le thème de la chinoiserie devint alors une véritable passion et sa production dans ce genre devient de plus en plus importante. Il sut le rendre plus vivant que les décors de Berain, inventant même une forme de pastorale orientale sur le modèle de la pastorale européenne.
La faveur du thème chinois au XVIIIe siècle participe, à l’époque, du renouvellement général des motifs décoratifs, au même titre que les singeries ou les personnages de la commedia dell’arte. Pour Boucher, le costume chinois est surtout un travestissement, une image amusante. Dans le dessin du musée de Grenoble, comme traditionnellement dans les sujets chinois, l’apparence de l’homme est d’un exotisme plus accentué que celui de la femme. Avec son grand chapeau aux bords relevés, sa moustache longue, fine et pendante, et son éventail, celui-ci possède une caractérisation relativement orientale, alors que la jeune femme ressemble davantage à une bohémienne occidentale.
Peut-être sensible aux reproches de Charles de Saint-Yves, dans son Observations sur les Arts, et sur quelques morceaux de Peinture et de Sculptures, exposés au Louvre en 1748, Boucher cessa à partir de ce moment de produire des œuvres sur ce thème. Les estampes d’après son œuvre continuèrent, en revanche, de fournir des modèles aux artisans des manufactures jusque dans les années 1770.

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