Vue de la ville de Dalhem

Josua DE GRAVE
1670
Plume et encre brune, lavis d'encre grise, aquarelle bleue, trait d'encadrement à la plume et à l'encre noire sur papier vergé crème
15,9 x 25,8 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1902 (dessins devant être exposés sur des cadres tournant autour d'un pivot, n°225)

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Cette belle feuille topographique porte la claire signature si caractéristique de l’artiste Josua de Grave et est incontestablement de sa main. La plume et le lavis précis, utilisés au plan médian et à l’horizon, ainsi que la pointe du pinceau trempée dans l’encre employée pour le premier plan, sont autant de signes reconnaissables de son oeuvre.
Cet artiste hollandais, formé à Haarlem, n’est pas un militaire exerçant son art en amateur comme on l’a longtemps cru, mais un peintre et dessinateur qui a suivi certaines des campagnes de Willem III[1]. Les premiers dessins connus de sa main datent de 1667-1668 et présentent des vues de Paris, où il a dû séjourner avant de retourner s’installer aux Pays-Bas, à Maastricht[2]. Sa présence est documentée dans la ville à plusieurs reprises et il en produit un grand nombre de vues[3], notamment autour de 1670, année de réalisation de la feuille conservée à Grenoble.
Ainsi qu’il le fait souvent, Josua de Grave indique la ville qu’il représente, à la manière des vues topographiques gravées : dans le ciel, au-dessus de la ville, on lit de stadt Dalem, c’est-à-dire « la ville de Dalem ». On doit l’identifier avec Dalhem, localité à mi-chemin entre Liège et Maastricht, peu éloignée donc du lieu de résidence de l’artiste[4]. Cette pittoresque bourgade, avec ses vestiges du château fort des comtes de Dalhem, bien visibles sur notre dessin, a en effet été consignée à plusieurs reprises par De Grave. Deux feuilles, conservées au musée Boijmans Van Beuningen, se sont révélées extrêmement proches de celle de Grenoble[5]. L’une surtout (Inv. JdG 2) présente exactement le même profil de ville, mais inversé : on reconnaît à droite l’église avec son clocher qui apparaît à l’extrême gauche dans la feuille de Grenoble. Au milieu, la ruine avec ses trois éperons bien reconnaissables, enfin le massif de maisons assemblées autour d’un manoir proéminent à gauche (il est possible de reconnaître la plupart des toitures sur les deux feuilles).
Le dessin de Rotterdam a d’ailleurs été réalisé en premier car il porte la date 1670 : 8 juillet, qu’il convient de lire comme le 7 août 1670[6]. La seconde feuille conservée au musée Boijmans Van Beuningen est datée du même jour ; le dessinateur s’est placé cette fois plus près de la ville, sur un chemin en hauteur offrant une vue plongeante sur les ruines et l’église se profilant au-dessus des contreforts[7]. Le lendemain, De Grave change d’angle de vue en allant du côté opposé de la bourgade pour en faire le dessin aujourd’hui à Grenoble qui porte lui aussi l’indication précise de la date : 1670 : 8 :/8 : La petite ville de Dalhem ne conserve aujourd’hui que peu de traces des bâtiments et fortifications qu’a représentés De Grave dans ses dessins[8]. Toutefois, pour s’assurer de l’identification correcte du sujet de ces feuilles, on peut les comparer avec une représentation de la ville exécutée par Valentijn Klotz qui porte l’inscription non pas contemporaine, mais ancienne : « Dalem dans la province belge de Liège »[9]. Ce dessin présente une vue plus rapprochée encore du site. On y reconnaît parfaitement la même église et les restes de fortifications au-dessous d’elle, que l’on aperçoit également sur la feuille de Rotterdam.


[1] Pour les informations biographiques sur Josua de Grave, voir Breitbarth-van der Stok, 1969, p. 93 et passim.
[2] On ne connaît pas la raison de son séjour à Paris ; voir Alsteens & Buijs, 2008, p. 325.
[3] Beaucoup sont conservées aux archives de la ville de Maastricht, aujourd’hui versées au Regionaal Historisch Centrum Limburg (Maastricht).
[4] Marcel Roethlisberger proposait d’y voir la ville allemande de Dahlen (ou Rheindahlen), aujourd’hui un quartier de Mönchengladbach sur la rive gauche du Rhin.
[5] Van Hasselt, 1965, nos 427-428. Je tiens à remercier Hans Buijs qui a immédiatement eu l’intuition qu’il s’agissait de Dalhem. Je souhaite ici aussi exprimer tous mes remerciements à Albert Elen, conservateur en chef au musée Boijmans Van Beuningen, pour les photographies des dessins conservés à Rotterdam et les informations non encore publiées les concernant.
[6] Sur l’une de ses vues de Maastricht, De Grave a indiqué la date de la façon suivante : « 9m/9d 1671 ». Cela permet de éterminer que l’artiste plaçait en premier le chiffre pour le mois (le « m » pour « maand ») et en second celui du jour (le « d » pour « dag »). Ce dessin est signalé par Breitbarth van der Stok, 1969, p. 98. Un dessin de Valentijn Klotz conservé à Édimbourg utilise d’ailleurs la même convention pour la date ; voir Andrews, 1985, I, p. 44 (RSA 356), et II, fig. 295.
[7] Vue de Dalhem depuis un chemin haut, plume et encre brune, lavis gris sur des traces de pierre noire, 15 x 25 cm, signé en bas au milieu : "Josua de Grave fecit", daté et annoté en haut, au milieu : "de Stadt Dalem 1670 : 8 juillet", Rotterdam, musée Boijmans Van Beuningen, inv. JdG 3.
[8] Les fortifications ont été détruites lors des guerres contre Louis XIV (donc après 1671) et très peu de bâtiments antérieurs au xviiie siècle sont encore visibles. Seul demeure en place un massif quadrangulaire, vestige du château des comtes de Dalhem. Voir Jean Remiche (dir. éd.), Le Patrimoine monumental de la Belgique, vol. 8 (1), Wallonie : Liège, arr. A-J, Liège, 1980, p. 224 et 239-245.
[9] Valentijn Klotz, Vue de Dalhem avec une église et un pont, vers 1670, plume et encre brune, lavis gris, Maastricht, Regionaal Historisch Centrum Limburg, inv. LGOG 52. Cette même institution conserve une quatrième vue de Dalhem par De Grave pour laquelle l’artiste s’est cette fois placé à l’intérieur de la bourgade, inv. LGOG 1011.

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