Cheval et cavalier

Le dessin de Grenoble est la seule oeuvre graphique
sûre connue de Petrus van Engelen,
l’un des nombreux artistes flamands en activité
à la fin du XVIIe siècle. Le dessin anversois
de cette période demeure un domaine peu
connu et l’opinion commune, selon laquelle
le génie artistique anversois s’est éteint à la
mort de Jordaens (1678) et de Teniers (1690),
est aujourd’hui encore très répandue. Les
choses sont comme toujours plus nuancées.
Conscients de leur déclin, l’Académie d’Anvers
et les ateliers de peintres s’efforcent, dès la fin
du XVIIe siècle, de renouer avec leur glorieux
passé et de former des élèves de qualité.
Engelen s’inspire ici de l’art de David Teniers,
célèbre pour ses multiples croquis au graphite
pris sur le vif (MG D 245). Se servant du graphite,
il dessine le cavalier se chaussant et le
cheval avec autant de précision que d’audace,
donnant d’ailleurs plus d’importance à l’animal
qu’à l’homme. Signée et sur parchemin,
l’oeuvre semble plutôt être une étude calculée
qu’un dessin préparatoire pour un tableau. Par
son aspect non finito, c’est une véritable pièce
de virtuosité pour des amateurs, recherchée
par le marché de l’art de cette fin du XVIIe siècle.
La vie d’Engelen est peu connue. L’artiste est
l’élève et le neveu de Gaspard de Witte, peintre
de paysage et marchand de tableaux. Avec
la fortune d’Anna Francisca Bruynel, qu’il épouse en 1687, il poursuit la même carrière.
Engelen est connu aujourd’hui pour ses scènes
de marché. Le fait de décrire les réjouissances
populaires, dans un style réaliste et minutieux,
est inscrit dans le répertoire des peintres
néerlandais depuis Pieter Brueghel l’Ancien.
Ce type de sujet rencontre un grand succès
chez les collectionneurs français, allemands et
anglais tout au long du XVIIe siècle. Revivifié par
les peintres néerlandais italianisants, ce genre
de composition tend néanmoins à devenir de
plus en plus décoratif. De nombreux contemporains
d’Engelen s’y adonnent, par exemple
Pieter Bout, et tentent de montrer leur pays
sous un jour idyllique, paisible et populaire.
Les oeuvres d’Engelen restent pourtant rares
aujourd’hui. De sa main, on connaît un
tableau signé à Mayence[1], deux au Koninklijk
Museum voor Schone Kunsten d’Anvers, un
Marché aux poissons et une Kermesse au village,
un à Charkov en Ukraine et un autre
dans l’ancienne collection Armand Hessel[2].
Les nombreux cavaliers et chevaux vus de
derrière, qui apparaissent dans les scènes de
marché, montrent que le dessin de Grenoble
s’inscrit parfaitement bien dans l’oeuvre de
l’artiste.
[1] Voir Stukenbrok, 1997, p. 142-143, repr.
[2] Sa vente, Anvers, 29 mai 1933, n°165, repr.
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