Tête de jeune homme barbu aux cheveux mi-longs

Bernardino LANINO
XVIe siècle
20,4 x 16,5 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don Firmin Gautier en 1876

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L’ancienne attribution à Gaudenzio Ferrari (1475/1480-1546) n’était pas sans fondement. Ferrari serait en effet, selon Lomazzo, le maître de Bernardino Lanino. Et si tel n’avait pas été le cas, une simple comparaison des œuvres peintes des deux artistes montre clairement que Lanino subit l’ascendant de Ferrari lequel, au début du XVIe siècle, dans le Piémont à Vercelli et à Novara, exerce un fort attrait auprès de la communauté des peintres en raison des nouveautés formelles et iconographiques qu’il y introduit. Il existe néanmoins un fait « positif »: on sait que Lanino s’associe avec deux autres peintres pour recueillir le fonds d’atelier de Ferrari. Leurs manières respectives sont donc liées et ont souvent été confondues (et continuent à l’être). Il est donc normal de retrouver le type stylistico-physionomique de la tête de jeune homme dessinée sur la feuille grenobloise dans l’œuvre de Gaudenzio Ferrari. Il s’agit généralement de têtes de saint Jean l’Évangéliste, de saint Roch ou de saint Jacques, figures de saints jeunes et à la barbe naissante. Et dans l’œuvre peint de Lanino, la destination iconographique en est la même.
Les procédés techniques utilisés et les effets qu’ils donnent à voir sont également proches. Ces deux peintres-dessinateurs conçoivent le dessin de leurs figures selon un rapport contrasté d’ombre et de lumière. Cette manière de faire est à placer dans le sillage de celle que Bramantino (c. 1465-1530) expérimente à Milan à une date plus avancée. Elle est aussi étonnamment proche de la technique du chiaroscuro que les premiers graveurs développent dans les années 1520 (pensons à Ugo da Carpi). Ces contrastes d’ombre et de lumière se matérialisent par l’emploi d’un lavis d’encre brune et de rehauts de gouache blanche appliqués au pinceau très souvent sur un papier de couleur bleue teint dans la masse. Ce papier de couleur permet d’accentuer les valeurs. Qu’est-ce qui fait alors que l’on peut dire que ce dessin revient bien à Lanino et non à Gaudenzio Ferrari ? On aurait pu répondre en éludant la question : « Parce qu’il existe une figure peinte de Lanino. » Or celle-ci ne semble pas exister. Il y a bien pourtant des ressemblances dans telle tête de saint Roch peinte à fresque ou dans telle autre de saint Georges imberbe, mais ces ressemblances sont aussi proches que lointaines tant le type est générique. Et même si cette figure peinte existait, elle ne garantirait pas l’attribution du dessin à Lanino. Car celui-ci aurait pu utiliser un modèle de son maître et devancier. La différence est, je pense, dans la datation du dessin et dans l’usage des procédés technico-stylistiques qui viennent d’être décrits. Certes, la date du dessin n’est pas avérée. Mais en considérant certaines des caractéristiques énoncées, il est possible de dire que Ferrari n’est pas l’auteur du dessin de Grenoble. Les quelques dessins de Ferrari certains présentent en effet un contraste chromatique, constitué de formes stables comme enfermées dans leurs traits de contours, alors que ceux de Lanino montrent à partir d’une certaine période, a contrario, une plus grande liberté dans l’utilisation des médiums, ainsi qu’une connaissance avérée de dispositifs formels léonardesques étudiés sur place à Milan. Les formes sont animées, les espaces de confrontation sont dynamisés ; les types se rapprochent encore plus de modèles de suiveurs de Léonard (pour tous ces points, la feuille grenobloise est concernée). Un dessin certain de Lanino, préparatoire à une figure peinte dans un polyptyque peint en 1564, est en tout point comparable dans sa technique. Celui de Grenoble a certainement été réalisé aux alentours de cette date, entre 1560 et 1565.

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