Tête de jeune homme barbu aux cheveux mi-longs

L’ancienne attribution à Gaudenzio Ferrari
(1475/1480-1546) n’était pas sans fondement.
Ferrari serait en effet, selon Lomazzo, le maître
de Bernardino Lanino. Et si tel n’avait pas été
le cas, une simple comparaison des œuvres
peintes des deux artistes montre clairement que
Lanino subit l’ascendant de Ferrari lequel, au
début du XVIe siècle, dans le Piémont à Vercelli
et à Novara, exerce un fort attrait auprès de la
communauté des peintres en raison des
nouveautés formelles et iconographiques qu’il y
introduit. Il existe néanmoins un fait « positif »:
on sait que Lanino s’associe avec deux autres
peintres pour recueillir le fonds d’atelier de
Ferrari. Leurs manières respectives sont donc
liées et ont souvent été confondues (et continuent
à l’être). Il est donc normal de retrouver
le type stylistico-physionomique de la tête de
jeune homme dessinée sur la feuille grenobloise
dans l’œuvre de Gaudenzio Ferrari. Il s’agit
généralement de têtes de saint Jean l’Évangéliste,
de saint Roch ou de saint Jacques, figures
de saints jeunes et à la barbe naissante. Et dans
l’œuvre peint de Lanino, la destination iconographique
en est la même.
Les procédés techniques utilisés et les effets
qu’ils donnent à voir sont également proches.
Ces deux peintres-dessinateurs conçoivent le
dessin de leurs figures selon un rapport
contrasté d’ombre et de lumière. Cette manière
de faire est à placer dans le sillage de celle que
Bramantino (c. 1465-1530) expérimente à
Milan à une date plus avancée. Elle est aussi
étonnamment proche de la technique du
chiaroscuro que les premiers graveurs développent
dans les années 1520 (pensons à Ugo da
Carpi). Ces contrastes d’ombre et de lumière
se matérialisent par l’emploi d’un lavis d’encre
brune et de rehauts de gouache blanche appliqués
au pinceau très souvent sur un papier de
couleur bleue teint dans la masse. Ce papier de
couleur permet d’accentuer les valeurs.
Qu’est-ce qui fait alors que l’on peut dire que
ce dessin revient bien à Lanino et non à
Gaudenzio Ferrari ? On aurait pu répondre en
éludant la question : « Parce qu’il existe une
figure peinte de Lanino. » Or celle-ci ne semble
pas exister. Il y a bien pourtant des ressemblances
dans telle tête de saint Roch peinte à
fresque ou dans telle autre de saint Georges
imberbe, mais ces ressemblances sont aussi
proches que lointaines tant le type est
générique. Et même si cette figure peinte
existait, elle ne garantirait pas l’attribution du
dessin à Lanino. Car celui-ci aurait pu utiliser
un modèle de son maître et devancier. La différence
est, je pense, dans la datation du dessin et
dans l’usage des procédés technico-stylistiques
qui viennent d’être décrits. Certes, la date du
dessin n’est pas avérée. Mais en considérant
certaines des caractéristiques énoncées, il est
possible de dire que Ferrari n’est pas l’auteur
du dessin de Grenoble. Les quelques dessins de
Ferrari certains présentent en effet un contraste
chromatique, constitué de formes stables
comme enfermées dans leurs traits de contours,
alors que ceux de Lanino montrent à partir
d’une certaine période, a contrario, une plus
grande liberté dans l’utilisation des médiums,
ainsi qu’une connaissance avérée de dispositifs
formels léonardesques étudiés sur place à
Milan. Les formes sont animées, les espaces de
confrontation sont dynamisés ; les types se
rapprochent encore plus de modèles de
suiveurs de Léonard (pour tous ces points, la
feuille grenobloise est concernée). Un dessin
certain de Lanino, préparatoire à une figure
peinte dans un polyptyque peint en 1564, est
en tout point comparable dans sa technique.
Celui de Grenoble a certainement été réalisé
aux alentours de cette date, entre 1560 et 1565.
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