Diane et Pan d'après Primatice

Theodoor VAN THULDEN ou Abraham VAN DIEPENBEECK ou Francesco PRIMATICCIO dit LE PRIMATICE (d'après)
XVIIe siècle
Pierre noire sur papier vergé beige en forme d'écoinçon
16,1 x 19,9 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Legs de M. Léonce Mesnard en 1890, entré au musée en 1914 (Lot 2942)

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Considéré comme une feuille anonyme de l’école italienne lors de son entrée au musée, ce dessin était identifié, certainement grâce à l’inscription ancienne « a Fontanebelleau », comme une copie d’après une composition de Primatice. Une autre annotation sur l’ancien montage conservait également une attribution (probablement du début du XXe siècle) à Louis Ferdinand Elle. Membre d’une dynastie d’artistes d’origine flamande, Louis Ferdinand a en effet gravé une série de planches d’après les décors de Primatice à Fontainebleau[1]. Toutefois, après vérification, nous n’avons retrouvé aucune estampe correspondant au dessin de Grenoble. De plus, ce dernier se différencie par sa facture, à la fois précise et souple, de la manière graphique du peintre Elle.
Si cette attribution est écartée ici, le dessin peut, selon nous, conserver sa datation du XVIIe siècle et être rapproché d’un groupe de copies, d’après des décors bellifontains, réalisées dans l’orbite de Rubens par des Flamands de passage en France dans années 1630. L’ensemble le plus important de ces copies se trouve aujourd’hui conservé à la bibliothèque royale Albert Ier à Bruxelles et se présente sous la forme d’un album de soixante-huit dessins à la pierre noire, parfois rehaussés de sanguine[2]. Les feuilles de l’album de Bruxelles reproduisent des éléments de décors peints par Primatice et par Nicolò dell’Abate pour les châteaux de Fontainebleau, Meudon et Fleury-en-Bière mais aussi pour des hôtels particuliers à Paris tels que l’hôtel de Montmorency ou l’hôtel de Torpanne. Des annotations ponctuelles à la plume, du même genre que celle placée sur le dessin de Grenoble, localisent les compositions reproduites[3]. Ces dernières conservent, la plupart du temps, la forme de leur encadrement architectural. L’importance de ces copies est d’autant plus grande qu’elles sont parfois les seuls témoignages de décors prestigieux aujourd’hui détruits ou, au mieux, conservés en très mauvais état. Si leur étude pose encore bien des problèmes, ces feuilles rendent compte du fort regain d’intérêt dont bénéficient les artistes de la première école de Fontainebleau durant la première moitié du XVIIe siècle.
Le rattachement de notre dessin à cette série, à la fois par le style et l’inscription, entraîne de nouvelles questions à propos de l’identité de son auteur. En effet, l’attribution de ces oeuvres est depuis quelques années l’objet de débat. Dans un premier temps, l’ensemble des feuilles fut donné à Théodore van Thulden, disciple de Rubens, présent à Paris entre 1631 et 1633 et auteur du célèbre recueil des Histoires d’Ulysse, publié en 1633. En 1990, dans une étude détaillée des copies, Jeremy Wood en attribue les plus belles feuilles, dont celles de Bruxelles, à Abraham van Diepenbeeck, autre disciple de Rubens, également présent à Paris peu après 1627 et jusqu’en 1633 au plus tard[4]. Cette proposition repose sur les témoignages du collectionneur Padre Sebastiano Resta, qui possédait certains de ces dessins, et une inscription (plutôt qu’une signature) sur la copie d’après la frise de L’Adoration des Mages de Primatice et de Nicolo dell’Abate à la chapelle de Guise[5]. Le style des dessins de Diepenbeeck, dont la production est à ce jour mieux connue, présente également de nombreuses affinités avec les feuilles de l’album et une série de copies d’après la galerie d’Ulysse, conservée à Vienne[6]. Désormais, rien ne s’oppose à sa participation à l’entreprise de ces copies[7], même s’il faut encore préciser la part qui revient à chacun de ces artistes. Dans l’état actuel des recherches, la seule certitude est qu’il s’agit ici d’oeuvres réalisées en France par un ou plusieurs artistes de l’entourage de Rubens au début des années 1630.
Reste enfin à localiser précisément à Fontainebleau la composition du dessin de Grenoble. Même si cette dernière n’est connue par aucune autre copie ou gravure, il est possible de la mettre en relation avec l’un des nombreux compartiments de la voûte de la galerie d’Ulysse, le plus ambitieux décor conçu par Primatice à Fontainebleau. La voûte était constituée de quinze travées, dont chacune était composée de plusieurs compartiments (un central, entouré de quatre ou huit secondaires). S’y déployait ainsi un impressionnant cycle de quatre-vingt-treize sujets mythologiques, bordés de motifs décoratifs et encadrés par des stucs dorés, peu saillants. Cette suite prestigieuse de motifs fut malheureusement détruite en 1739 après avoir été, durant deux siècles, un modèle incontournable pour des générations d’artistes. De sa célébrité témoignent aujourd’hui des descriptions élogieuses et de nombreuses copies peintes et dessinées[8]. En suivant la reconstitution de ce décor, proposée par Sylvie Béguin en 1985, le sujet de notre dessin, mettant en scène la déesse Diane accompagnée de Pan et d’un amour ailé, peut être rapproché d’une des compositions de la septième travée de la voûte de la galerie. La partie centrale de cette travée était ornée d’un Apollon dans le signe du Lion. Autour étaient disposées quatre autres compositions peintes illustrant Orphée, Esculape, Latone et ses enfants et notre Diane accompagnée de Pan[9]. La copie de Grenoble est désormais le premier témoignage visuel de cette scène perdue.


[1] Voir Weigert, 1961, n°34-68, p. 171-173 et n°70, p. 173.
[2] Bibliothèque royale, Inv. n°S.V 76801 à 76864, 21 x 20 cm. Pour une bibliographie exhaustive sur ces dessins, voir en dernier lieu G. Kazerouni dans cat. exp. Modène 2005, n°198, 200, p. 419-421.
[3] Parmi les dessins de Bruxelles les plus proches de celui Grenoble et comportant une inscription similaire utilisant la même orthographe pour le mot « Fontanebelleau », voir Béguin, Guillaume et Roy, 1985, p. 170, fig. 68 (copie dessinée de l’Espérance faisant partie du décor de la huitième travée de la galerie d’Ulysse).
[4] Vlieghe, 2000, p. 50.
[5] Francfort, Städelsches Kunstinstitut, Inv. n°4292-4298. Voir Wood, 1990, fig. 15a-f, 16. Au dessin de Francfort s’ajoutent deux autres copies partielles de la chapelle de Guise, l’une est conservée au Museo Ceralbo à Madrid (Inv. 4974, cf. Sanz Pastor y Fernandez de Pierola, 1976, n°228, p. 245, comme anonyme italien) et l’autre aux Archives nationales à Paris (C.H.A.N., musée de l’Histoire de France, Inv. AE II 2928, cf. Taillard, 2005, p. 274).
[6] Le décor des parois de la galerie d’Ulysse est connu par plusieurs ensembles de copies dessinées. Parmi ces derniers, un groupe de cinquante-cinq dessins, à la pierre noire, parfois rehaussés de sanguine, conservés à l’Albertina à Vienne, était considéré comme de Van Thulden (Roy dans Bois-le-Duc, Strasbourg, 1991-1992, n°3B). Ces dessins sont de même facture que ceux de l’album de Bruxelles et de la feuille de Grenoble. Un deuxième groupe de dessins, en sens inverse des gravures et en tout point identiques, représente, selon Wood, les projets de Van Thulden pour les gravures (Wood, 1990, fig. 11, 33, 35, 38). Ces derniers présentent sur le côté, à la plume et d’une écriture française du XVIIe siècle, les moralités ajoutées aux images par l’éditeur de Van Thulden, Tavernier. L’attribution à ce dernier de ces feuilles, de moins belle qualité que les feuilles de Vienne, ne convainc pas Alain Roy et Sylvie Béguin (Bois-le-Duc, Strasbourg, 1991-1992, n°3A). Pourtant, ces dessins sont ceux qui présentent le plus d’analogies avec les gravures. Un autre ensemble dessiné, ayant appartenu à Resta et de même facture que les feuilles de Bruxelles, est conservé à Palerme. Les dessins y reproduisent les trophées d’armes qui ornaient autrefois Fontainebleau (voir Prosperi Valenti Rodino, 2001, p. 432-437).
[7] Vlieghe, 2000, p. 61.
[8] Pour une liste exhaustive, voir Béguin, Guillaume et Roy 1985 et Romani, dans cat. exp. Paris, 2004.
[9] Pour une description complète de cette travée, voir Béguin, Guillaume et Roy, 1985, p. 157-161.

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