Descente de Croix

Produit typique du courant maniériste des
années 1570, visant à un pathos et une
complexité de la composition aux multiples
références (en particulier celle à Michel-Ange),
ce dessin illustre un moment de l’art italien que
Roberto Longhi considérait comme un
« cadavre » à surmonter. Marchetti reçut sa
formation loin de sa patrie, d’abord à Rome, où
il travailla dès 1545 aux fresques du château
Saint-Ange, en 1550, avec Vasari, au Palazzo
Altoviti, puis en 1552 au décor de la Villa Giulia,
et en 1553 au Palazzo Sacchetti, au moment où
Francesco Salviati y peignit la grande décoration
du grand salon. Il s’installa ensuite à
Florence, après avoir rédigé son testament à
Faenza en 1564. Il travailla alors à l’apparato des
décorations pour les festivités du mariage de
Francesco de’Medici, à Florence, sous la direction
de Giorgio Vasari (1565), puis au Palazzo
Vecchio, où il était déjà intervenu. Vasari lui
consacre un long paragraphe dans la Vie de
Primatice, parue en 1568, pour louer ses dons
de peintre de grotesques, sa spécialité : « è rarissimo
in alcune cose, fra gl’altri di Romagna,
Marco da Faenza (che così è chiamato e non
altrimenti) per ciò che è pratico oltre modo
nelle cose a fresco, fiero, risoluto e terribile, e
massimamente nella pratica e maniera di far
grottesche… ». Vasari, qui fit travailler Marco
Marchetti en particulier dans les parties décoratives
du plafond du Salone de’Cinquecento
(Sala Grande) du Palazzo Vecchio (1563-1565),
le cite également dans la Vie des artistes académiciens.
Après 1565, l’artiste se réinstalla dans sa
ville natale et y resta jusqu’en 1572.
Le présent dessin se rattache plutôt aux
tableaux d’autel qu’il réalisa à Rimini : Conversion
de saint Paul (S.Maria dei Servi) et Montée
au Calvaire (sacristie de l’église du Suffraggio).
Ces deux œuvres passèrent jusqu’à une période
récente sous le nom de Federico Zuccaro, dont
on constate aussi l’influence dans le dessin
exposé, fortement marqué par le climat
religieux austère de la Contre-Réforme. Le
thème de la Pietà fut traité par Marco da Faenza
dans un tableau destiné à l’église de l’Osservanza,
à Faenza, antérieure au nouveau séjour à
Rome, sous le pontificat de Grégoire XIII
(1572-1583). La carrière de Marco da Faenza
présente donc la particularité d’une circularité
entre la Romagne et Rome, avec des incursions
florentines, et d’une bipolarité de son activité,
tant de fresquiste spécialisé dans les parties
ornementales (ses capriciose figure) que de
peintre de tableaux d’église.
De lui Baglione rappelle « che sono suoi molti
disegni di diversi scudi d’arme con figurine, e
puttini tanto belli e gratiosi, che in quel genere
sperar più non si poteva ; e furono in legno
intagliati ». Ce sont en effet ses dessins décoratifs
qui sont les plus nombreux à nous être
parvenus. La manière très particulière de poser
le lavis en larges coulées associée à la finesse des
contours à la plume permettent en général de
reconnaître assez aisément son mode d’expression
graphique.
On y note des similitudes avec l’écriture brisée
de Boscoli (figure en haut à droite) et celle, parfois également assez contrastée, de Cesare
Nebbia. La facture appuyée du dessin exposé
se retrouve dans d’autres études sur le thème
de la Pietà, par exemple Christ mort porté par
des anges (GDSU12570 F), sans doute antérieur
à celui de Grenoble, Christ mort soutenu par un
personnage et deux anges (GDSU 12600), et
aussi Flagellation du Christ (GDSU 2062 S), qui
se trouvait précédemment classé avec les dessins
de l’entourage de Cigoli. Comparée à l’étude
préparatoire très libre de la Déposition de Croix
(Cambridge, Fitzwilliam Museum, inv. PD.29-
1956), celle de Grenoble apparaît plus
contrainte, voire figée : il s’agit peut-être d’un
ricordo.