Annonce aux bergers

Jacob Pynas et Claes Moeyaert représentent au musée de Grenoble la génération des peintres d’histoire actifs à Amsterdam en 1632, donc avant l’arrivée de Rembrandt. Le premier de ces deux artistes, dits prérembranesques, est représenté avec un paysage (MG D 693) alors que Moeyaert figure dans la collection avec cette Annonce aux bergers.
Fascinés par Adam Elsheimer et les mouvements modernes à Rome vers 1600, les artistes prérembranesques comme Moeyaert se distinguent par une grande vigueur dans le modelé, un style puissant et réaliste ainsi que des éclairages contrastés. Un de leurs éléments de composition favoris est la présence de la silhouette sombre d’un personnage ou d’un groupe au premier plan, se découpant sur un fond lumineux.
Résidant à Amsterdam jusqu’à sa mort en 1655, le peintre Claes Moeyaert est aussi dessinateur et graveur. Il se fait connaître par des portraits (individuels et collectifs) et surtout des peintures d’histoire, notamment pour le roi de Danemark. Le nom de son maître demeure inconnu ainsi que les dates d’un éventuel voyage en Italie. Moeyaert, dont la famille est importante à Amsterdam avant l’indépendance des Pays-Bas, est catholique et travaille beaucoup pour cette communauté. Il joue aussi un rôle important dans la direction du théâtre municipal d’Amsterdam et conçoit des décors éphémères comme pour l’Entrée triomphale de Marie de Médicis à Amsterdam en 1638. Moeyaert compte en tout cas parmi les peintres actifs à Amsterdam les plus célèbres de son temps. Au cours des années 1630, l’influence de Rembrandt devient très sensible dans son oeuvre et cette observation est valable pour de nombreux artistes amstellodamois. L’Annonciation aux bergers de Grenoble a été correctement attribuée à Moeyaert par Marcel Roethlisberger et Catherine Meyer. Le style fluide et les formes, plus douces et moins plastiques, dissoutes dans la lumière, correspondent à sa manière de dessiner à la fin des années 1630 et au début des années 1640. La technique de la pierre noire (et parfois de la sanguine), rare dans son oeuvre, est ici privilégiée et se prête particulièrement bien à ces effets. La plupart des dessins de Moeyaert, au cours de sa longue carrière d’une trentaine d’années, sont habituellement exécutés à la plume et au lavis, parfois avec des contrastes bien accentués. Il dessine les contours d’une façon très rapide et ses compositions ne paraissent jamais très détaillées. Un autre dessin horizontal de Moeyaert illustrant une Annonce aux bergers, composition un peu plus petite que celle du dessin de Grenoble, se trouvait vers 1987 à la galerie Thomas Le Claire^[1] à Hambourg. La technique ainsi que le style sont très proches de ceux employés dans la feuille de Grenoble. Ces deux oeuvres datent sans doute de la même période. Cette composition est-elle à mettre en relation avec celle d’un autre dessin vertical, à la plume et au lavis, conservé au Rijksprentenkabinet à Amsterdam ? Ce dernier dessin est clairement préparatoire à une peinture, monogrammée de Moeyaert et datée de 1639, qui est conservée dans une collection particulière à Londres^[2]. Sans doute faut-il voir, dans les deux dessins à la pierre noire et celui à la plume, différents stades préparatoires pour une seule et même oeuvre, même si le nouveau format vertical et le changement de technique étonnent un peu. On peut donc proposer pour le tableau londonien les étapes préparatoires suivantes : la première feuille est celle anciennement à Hambourg, puis vient le dessin de Grenoble, avec la position de l’ange et les silhouettes découpées très proches de la version finale, et ensuite le dessin d’Amsterdam. Schatborn a raison de penser que ce dernier dessin s’inspire d’une gravure de Rembrandt de 1634^[3].

^[1] Nicolas Cornelisz Moeyaert, Annonciation aux bergers, pierre noire, 18,2 ´ 29 cm, cat. galerie Thomas Le Claire, Hambourg, avril 1987, n° 20, repr.
^[2] Annonce aux bergers, 44 x 31 cm, voir Tümpel, 1974, n°99, repr.
^[3] Schatborn et Schapelhouman, 1998, no 259. Il s’agit de la gravure B.44.