Portrait d'homme à la guitare

Nicolas RÉGNIER
vers 1626 - 1627
119 x 91 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à M. Nicolas Kugel en 1988
Localisation :
SA06 - Salle 06

Voir sur navigart

Si l’on cite souvent Simon Vouet comme le principal introducteur du caravagisme en France, Nicolas Régnier dit aussi Nicolo Renieri, actif en Italie, est pourtant l’un de ceux qui y ont le plus puisé. Formé à Anvers dans l’atelier d’Abraham Janssens, il s’installe à Rome en 1615, après un bref passage à Parme. Alors élève de Bartolomeo Manfredi, grand peintre naturaliste émule du Caravage, il médite, au même titre que Valentin de Boulogne, Claude Vignon ou Nicolas Tournier, la leçon du maître lombard. Caravagesque reconnu, il séduit son principal mécène, le marquis Vincenzo Giustiniani, dont il devient le peintre attitré. Lié à la communauté des artistes nordiques de Rome, les Bentvueghels, il connaît une rapide ascension, intégrant l’Académie de Saint-Luc puis celle des Virtuosi al Pantheon. Artiste inclassable et vif – on le connaît pour ses rixes et échauffourées –, Régnier quitte Rome pour Venise en 1626. Son style change alors, adouci par la leçon des Bolonais. Portrait d’homme à la guitare, réalisé vers 1625 à la fin de son séjour romain, se situe à mi-chemin entre le portrait et la scène de genre. Proche de l’un des protagonistes de Joueurs de dés et de La Diseuse de bonne aventure (Galerie des Offices, Florence), le musicien à mi-corps évoque à première vue l’art naturaliste de Manfredi, réputé pour ses peintures de mœurs. Par le traitement en pleine pâte du visage aux lèvres humides et à l’œil pétillant, ce portrait affirme son caractère éminemment flamand. Mais en regard du plus truculent Homère aveugle jouant du violon (1620-23, Stiftung Preussischer Schlösser, Potsdam), vision tragique de l’illustre poète en simple vieillard, Régnier privilégie une mise en page austère et une gamme chromatique restreinte. Il confère ainsi à ce portrait une coloration mélancolique qui n’est peut-être pas étrangère aux préoccupations métaphysiques du cénacle de Giustiniani. Portrait dans le portrait, le reflet du musicien dans le miroir, motif propre aux maîtres de la Renaissance, serait-il une réflexion sur la peinture ? De tous les peintres caravagesques, Régnier est celui qui a le plus accordé de place au portrait. Admirateur de Dürer et de Pourbus, il n’omet jamais d’interpeller le spectateur en prêtant à ses modèles un regard insolent ou interrogateur.

Découvrez également...