Métamorphose V, Méta-mécanique douce

Jean TINGUELY
1956
55 x 62,2 x 24 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Achat à la Galerie Denise René en 1966

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En 1955, alors que la scène artistique se partage entre tenants de l’abstraction géométrique et représentants de l’abstraction lyrique, l’exposition Le Mouvement organisée à la galerie Denise René joue comme un détonateur. Elle est l’occasion pour Jean Tinguely d’affirmer qu’un art moderne joyeux, dynamique et satirique peut voir le jour. Formé à l’École des Arts Décoratifs de Bâle, Tinguely, encouragé par son professeur Julia Ris, fait très tôt du mouvement son moyen d’expression artistique. S’il peint sans conviction des toiles abstraites, il aime en revanche à expérimenter des systèmes de rotation d’objets, créer des constructions en fil de fer et des roues hydrauliques. La rencontre de Daniel Spoerri, ancien danseur de l’opéra de Berne, l’amène à transposer ses recherches sur la scène avec son premier décor cinétique pour le ballet Prisme (1953). Alors que l’abstraction géométrique, notamment grâce à la parution de l’ouvrage de Michel Seuphor, L’art abstrait. Ses origines, ses premiers maîtres (1949), jouit d’un certain prestige, Tinguely, installé à Paris avec sa compagne la sculptrice Eva Aeppli, crée ses premiers tableaux mobiles ou « reliefs métamécaniques ». Avec une ironie mordante, ceux-ci viennent animer les formes de l’abstraction géométrique en adoptant les noms parodiques de Méta-Herbin, Méta-Malévitch (1954) ou Méta- Kandinsky (1956). Stimulé par les manifestes de l’artiste italien Bruno Munari Machine-Art Machinisme, Art organique, Désintégrisme et art total, Tinguely, encore incertain quant à leur dénomination, présente à Milan ses machines sous le titre d’Automates, sculptures et reliefs mécaniques.
Métamorphose V, Méta-mécanique douce est un relief blanc constellé de formes métalliques noires qui s’animent doucement grâce à l’action d’un moteur. Le mécanisme laborieux et la lenteur des mouvements donnent à cette composition abstraite un aspect ironiquement ludique. Tinguely sait jouer du « rythme simple et régulier captivant nos âmes d’enfants, promptes à s’émerveiller devant un essuie-glaces ou un malaxeur de ciment » (Pontus Hulten). Métamorphose V assume sa mécanique incertaine, affirmant sa singularité à rebours des compositions aseptisées de l’Op art. Poursuivant sa quête du mouvement, Tinguely continue de faire de la mécanique son domaine privilégié avec les Balubas (1962), puis les Rotozazas (1967), sculptures ludiques et machines parodiques. En 1959, il perfectionne ses machines à dessiner ou à peindre, les Méta-Matics. La rencontre de Marcel Duchamp à New York en 1960 le conforte dans ses choix. C’est par le mouvement qu’il s’appropriera le réel, érigeant la vitesse pure en philosophie notamment au sein de l’aventure du Nouveau réalisme.

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