Jeune bergère

Formé par Michiel van Mierevelt, Paulus Moreelse devient un portraitiste apprécié des grands dignitaires hollandais et étrangers. À partir de 1596, à son retour d’Italie il travaille comme architecte et rejoint la guilde des peintres d’Utrecht où il occupe la fonction de premier doyen. Dès 1617, ses portraits sont marqués par l’influence du genre pastoral, introduit en peinture à partir de 1600 par Joachim Wetwael, ainsi que par le modèle de la voluptueuse bergère Silvia, présente dans l’ouvrage de Crispin de Passe l’Ancien : Miroir des plus belles courtisanes de ce temps. Dans ce tableau l’archétype du charme féminin prisé par l’artiste est décliné sous les traits d’une jeune femme au teint frais, coiffée d’un chapeau de paille légèrement incliné sur le côté et au décolleté sensuel. Assimilé au courant arcadien utrechtois auquel participa aussi Abraham Bloemaert, ce portrait porte les signes de la déesse Flore, déesse de la nature et de la fécondité, tels que les roses, le pâle incarnat de la peau et le buste généreux délicatement dégagé du corsage. Au-delà d’une certaine forme d’érotisme, cette bergère laisse suggérer des valeurs morales rattachées au monde rural idéalisé par la littérature, parmi lesquelles la pureté originelle. En s’attachant à cette pastourelle, Moreelse s’est intéressé avant tout à ses caractéristiques physiques. L’expression gourmande du visage, les joues rosies et le regard faussement timide, éclairés d’habiles effets de lumière, contribuent à faire de cette jeune courtisane un modèle dont l’artiste sera friand dès 1620. Ce portrait de charme, qui illustre le goût de l’élite urbaine pour les bergers et bergères, entre dans la catégorie particulière du tronie initiée par Lievens et Rembrandt, valorisant la physionomie et l’expression particulières du modèle au détriment de toute ressemblance.