Projet pour le tombeau de Bayard

Augustin PAJOU
vers 1788
Plume et encre brune sur papier vergé beige, forme ceintrée
33,2 x 19,4 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don par un souscripteur anonyme en l'An IX (1801).

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La plupart des dessins du fond primitif du musée étant perdue, le Projet pour le tombeau de Bayard est, avec le grand dessin de Peyron (MG 243), l’une des rares feuilles entrées au musée au lendemain de la Révolution et encore conservées. Il est également l’un des seuls dessins anciens du cabinet à être historiquement lié à la cité dauphinoise.
L’œuvre est un projet, présenté par Augustin Pajou afin de répondre à un concours pour un monument en l’honneur de Bayard, initié par un groupe de souscripteurs à la veille de la Révolution. Comme Du Guesclin ou Jeanne d’Arc, la figure héroïque de Pierre Terrail, seigneur de Bayard (1473-1524), connaît à la fin du XVIIIe siècle une grande ferveur. Le chevalier avait déjà fait partie des hommes illustres, choisis par le directeur des bâtiments du roi d’Angiviller pour ses commandes de peintures d’histoire nationale. C’est dans ce cadre qu’avait été peint, en 1775, La Continence de Bayard de Jean-Jacques Durameau, aujourd’hui au musée de Grenoble (MG 651) .
Natif de Pontcharra (Isère), Bayard s’était vaillamment illustré au service de François Ier lors des campagnes d’Italie. Après sa mort, son corps est apporté à Grenoble et un monument lui sera dédié au XVIIe siècle, dans l’église Saint-André. A la fin du XVIIIe siècle, la régénération du culte des héros nationaux, stimulé par la couronne, fait ressentir à Grenoble le besoin d’un monument plus digne pour ce défenseur de la monarchie. La Révolution a empêché la mise en œuvre de ce projet. Deux propositions d’artistes pour le monument en conservent le souvenir : celle de Pajou, présentée ici, et celle de Chinard, connue par un dessin et un petit modèle . L’incertitude de l’emplacement des restes du chevalier semble avoir conditionné la liberté des artistes dans les propositions et dans les sujets représentés.
C’est la formule du tombeau mural que choisit de développer Pajou. Le monument célèbre, en trois sujets superposés, les qualités du héros. En bas, sur un imposant socle rectangulaire illustre, en relief, la défense du pont du Garigliano, dans le Latium, contre deux cents espagnols. Au-dessus, le sarcophage est orné d’un relief, évoquant l’adoubement de François Ier par Bayard, après la victoire de Marignan. La cuve funéraire est encadrée de façon dissymétrique par le génie militaire à gauche et la France éplorée à droite. L’ensemble est couronné par l’évocation de la mort héroïque de Bayard. Après avoir reçu une balle d’arquebuse dans le dos, au moment du passage de la Sesia en Italie du Nord, le chevalier avait demandé à être placé contre un arbre, pour faire face à l’adversaire, dont les troupes venaient le voir mourir dans la dignité. Parmi eux, se trouvait Charles de Bourbon, ex-connétable de France, passé au service de l’empereur. Ici, le traître vient à Bayard pour lui exprimer sa compassion. Le chevalier lui demande alors de se repentir. Pour le choix de ses épisodes, Pajou a certainement utilisé l’ouvrage de Guyard de Berville, l’Histoire de Pierre Terrail, dit le chevalier Bayard, sans peur et sans reproche, publié en 1772, et qui venait d’être réimprimé en 1786.
Le projet de Pajou n’est finalement pas accepté et on lui préfère la proposition, assez différente, du Lyonnais Joseph Chinard, dont le musée Louis-Voulland à Avignon conserve la maquette en terre. Daté de 1789, le modèle de Chinard s’apparente plus à un monument commémoratif qu’à un tombeau. Un socle monumental circulaire, orné de reliefs et encadré par quatre divinités antiques, présente les figures en ronde-bosse de François Ier et du chevalier, qui figuraient en sujet annexe sur le projet de Pajou. Comme l’a souligné James David Draper (1997), le sculpteur se montre ici moins néoclassique que dans la plupart de ses réalisations contemporaines[1] .


[1] Voir, par exemple, l’Etude pour le monument funéraire au comte Piotr Cheremeteff et à comtesse Cheremeteva, datée de 1789, Berlin, Kunstbibliothek, Inv. Hdz 8735 (Draper dans cat. exp. Paris, 1997, n° 62, p. 160-162).

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