Naissance d'Henri IV
« En cette matière tempérée qui se tient entre l’histoire et le roman, qui brode une action agréable sur un canevas insignifiant, M. Charles Comte est passé maître [1]. » C’est ainsi que le critique Charles Aimé Dauban définit la peinture de Charles Comte au Salon de 1863 [2]. Cet artiste d’origine lyonnaise, élève à Paris du célèbre peintre de genre historique Joseph Nicolas Robert-Fleury, se distingue au Salon à partir de 1848 par une série de peintures consacrées à des épisodes tirés de l’histoire, mais dans une veine anecdotique. Son premier succès est sans doute en 1849 Le Couronnement d’Inès de Castro, montrant Inès (ou plutôt son cadavre), couronnée reine du Portugal par son amant Pierre du Portugal, un épisode macabre inspiré de Victor Hugo. Mais la grande spécialité de Charles Comte à partir de 1851 – et ce pendant plus de quinze ans –, est sans doute l’illustration des faits et gestes des souverains de la maison de Valois, au point que Charles Perrier, au Salon de 1857, finit par conclure que « Henri III, le duc de Guise et Catherine de Médicis appartiennent à M. Comte » [3]. Henri III, en particulier, ne lui inspire pas moins de trois tableaux dont le plus célèbre est sans doute La Rencontre d’Henri III et du duc de Guise, présenté à l’Exposition universelle de 1855 [4]. Cet épisode de perfidie de l’histoire de France, où le roi rencontre innocemment le duc de Guise qu’il fera assassiner le lendemain, vaut à l’artiste une critique élogieuse de Théophile Gautier : « Figures, costumes, architecture, tout dans le tableau de M. Comte est rendu avec un dessin juste, fin et précis, une couleur vraie et rare en même temps [5]. » Ce dessin juste, il est aujourd’hui difficile de s’en faire une idée, sauf peut-être au travers de cette petite feuille car sa production graphique est aujourd’hui quasiment perdue. Cette saynète habilement crayonnée raconte un épisode fondamental de l’histoire de France : la naissance d’Henri de Navarre au château de Pau, le 13 décembre 1553, futur roi de France sous le nom d’Henri IV. Le nouveau-né est ici dans les bras de son père, Antoine de Bourbon. Sa mère, la huguenote Jeanne d’Albret, est assise à gauche, entourée de ses servantes. On reconnaît à droite le vieil Albret, le grand-père qui s’apprête à baptiser son petit-fils dans la religion catholique au vin de Jurançon. Le thème, cher aux monarchistes, de la naissance du premier roi de la branche des Bourbons, a été traité à de nombreuses reprises dans la peinture du XIXe siècle. L’exemple le plus célèbre est sans doute La Naissance d’Henri IV d’Eugène Devéria, présenté au Salon de 1827 [6], qui vaut à son auteur un succès immédiat et le propulse parmi les chefs de file du romantisme. Charles Comte, comme Eugène Devéria, s’inspire ici de la nouvelle publiée en 1820 par le frère de Victor Hugo, Abel, en un temps où tous deux ne cachent pas leurs sentiments monarchistes [7]. Comte, d’un trait nerveux, rapide, précis, parvient à rendre à cette scène une atmosphère intimiste. Il se montre ici sensible à la précision historique des costumes et des coiffures, sans toutefois en exagérer les détails. Son crayon alerte esquisse plus qu’il ne décrit et donne vie à ses personnages dont les gestes, à peine ébauchés, n’en donnent pas moins une impression de mouvement et de grâce. « M. Charles Comte a fait une étude approfondie de l’esprit et des mœurs des époques auxquelles il emprunte les sujets de ses compositions. Il s’en est assimilé les détails les plus délicats et les plus intimes », remarque Maurice Aubert dans ses Souvenirs du Salon de 1859 [8]. Projet d’une toile non aboutie ou simple exercice, cette petite feuille n’a pu être mise en relation avec aucune des œuvres connues de l’artiste.
[1] Charles Aimé Dauban, Le Salon de 1863, Paris, 1863, p. 29. Charles Aimé Dauban était aussi conservateur au cabinet des estampes de la bibliothèque nationale entre 1858 et 1874.
[2] L’artiste présente cette année-là Charles Quint et la duchesse d’Étampes et Récréation de Louis XI.
[3] Charles Perrier, L’Art français au Salon de 1857, peinture, sculpture, architecture, Paris, 1857, p. 91.
[4] Pierre Charles Comte, La Rencontre d’Henri III et du duc de Guise, Paris, musée d’Orsay, en dépôt au musée du château de Blois.
[5] Théophile Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, 1855, Paris, 1855, p. 106.
[6] Eugène Devéria, La Naissance d’Henri IV, 1827, Louvre, département des Peintures, inv. 4070.
[7] Abel Hugo, « La Naissance d’Henri IV », Le Conservateur littéraire, Paris, 1820, p. 148-155.
[8] Maurice Aubert, Souvenirs du Salon de 1859, contenant une appréciation […], Paris, 1859, p. 127.
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