Socrate et Alcibiade

Elie Honoré MONTAGNY (attribué à)
XVIIIe siècle
28,1 x 38,7 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Mode et date d'entrée inconnus (probablement collection L. Mesnard).

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Les deux dessins exposés ici forment avec trois autres, représentant* La Mort de Virginie[1] , *La Colère d’Achille [2] et Les Femmes suppliant Coriolan de ne pas attaquer Rome [3], un ensemble stylistiquement cohérent qui doit revenir à un même artiste. Ils se trouvaient tous déclassés dans le fonds «vrac » et leur provenance demeure incertaine.
Par comparaison avec La Fille de Jephté (MG 2011-0-100), nous proposons, à titre hypothétique, de les placer sous le nom de Elie-Honoré Montagny. Notre proposition est fondée sur un rapprochement entre certains détails des visages, comme la façon rapide et un peu caricaturale de dessiner les yeux et le canon allongé des figures. Il faut toutefois préciser que les dessins présentés ici sont bien plus grands et beaucoup plus achevés que La Fille de Jephté. L’ensemble de ces dessins se différencie des oeuvres connues de Montagny, par une plus grande liberté dans le trait et des compositions d’une moins grande densité.
Le contexte politique et culturel des années 1760-1789 entraîne progressivement un important essor des sujets d’histoire antique et moderne dont le nombre augmente sensiblement au Salon. Les pionniers du nouveau style néoclassique, comme Suvée, Ménageot ou Peyron puis David et certains de ses contemporains, comme Perrin, Regnault et Drouais, insufflent une nouvelle vie aux grands héros de l’histoire grecque et romaine. Les ouvrages des historiens romains, Plutarque et Valère-Maxime, supplantent progressivement les contes mythologiques d’Ovide. De plus, la direction des Bâtiments du roi, engagée dans la défense de la peinture d’histoire, propose de plus en plus de sujets nobles et édifiants, extraits de l’histoire de France ou de l’histoire romaine. Dans les œuvres présentées au Salon, la présentation synthétique en frise, la palette restreinte, une certaine vision archéologique des accessoires, montre l’évolution de la voie empruntés par l’art français depuis Vien et qui s’épanouira sous l’égide de David, sous la Révolution et l’Empire. Par les sujets qu’elles illustrent, les feuilles du « groupe Montagny » de Grenoble, en général d’assez grandes dimensions, offrent un remarquable échantillon des nouveaux thèmes qui apparaissent progressivement à partir des années 1780-1790. Chaque histoire issue de la littérature antique, offre une leçon de vertu moralisante.
Le premier dessin (MG 2011-0-101) présente, dans un inétrieur à l’Antique rigoureusement reconstitué, une scène d’orgie. Un jeune homme est allongé sur un lit en compagnie d’une assemblée de dames. L’action semble s’interrompre par l’irruption d’un personnage entrant dans la pièce par la gauche. Tous ces éléments permettent d’identifier Socrate venant soustraire à la luxure son jeune disciple Alcibiade. A la fois moralisant et érotique, ce thème, dont la source littéraire demeure mystérieuse, offre des ressources aussi variées aux peintres que les mythologies[4].
Le second dessin (MG 2011-0-103), plus achevé et d’une technique plus riche, présente dans une composition pyramidale, un hômme d’age mur entouré de jeunes gens mourants. La composition nous a fait penser à l’histoire tragique d’Ugolino della Gherardesca. Ce tyran, cruel et sanguinaire, gouverne par la terreur en Italie au XIIIe siècle jusqu’au jour où une conspiration, menée par l’archevêque de sa ville, Ruggeri Ubaldini, entraine sa chute. Ugolin est alors enfermé avec ses quatre fils et condamné à mourir de faim. Dante rapporte dans la Divine Comédie qu’il aurait dévoré ses enfants, morts avant lui. La figure d’Ugolin est rare à l’époque néoclassique, les costumes à l’antique portés ici par les personnages, alors que la scène se passe au Moyen-Age, nous amènent à être prudent dans l’identification de cette scène.
Les trois autres dessins que nous avons cités plus haut mettent en scène des héros classiques et régulièrement utilisés par les artistes : Coriolan, Virginie et Achille. La proximité de La Mort de Virginie avec le tableau de Lethière, illustrant le même sujet au Louvre, suggère une datation proche de ce dernier, réalisé en 1828. Les autres feuilles peuvent être situées dans le premier quart du XIXe siècle.


[1] Fiche n° 281, plume, encre …, H. 45 ; L. 70,5 cm. Feuille plus achevée et un peu différent des autres par son traitement. La composition de ce dessin est fortement inspirée de celle de La Mort de Virginie (1828) de Lethière, conservée au Louvre (Inv. 6229).
[2] MG D 2733, plume, encre noire, lavis brun et rehauts de gouache blanche.
[3] Fiche n° 204, plume, encre noire, lavis gris et brun, pierre noire, H. 30,3 ; L. 39,5 cm.
[4] Vincent, 1777, Montpellier, musée des beaux-arts, Peyron (1785, Guéret, musée) ou Regnault (1791, musée du Louvre) ont donné des interprétations peintes de ce thème. Un autre dessin du cabinet d’arts graphiques de Grenoble illustre ce thème mais cette fois dans un contexte plus masculin. Cette feuille peut être associée avec deux autres dessins, illustrant des épisodes de la vie d’Alexandre, et revenant probablement à un artiste néoclassique Scandinave. Ce groupe, de très belle qualité reste à étudier.

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