L'Adoration des bergers

Des artistes qui ont fait la gloire d’Anvers au XVIIe siècle, Jacob Jordaens est, aux côtés de Rubens et Van Dyck, celui qui eut la plus longue carrière. Élève du peintre luthérien Adam van Noort dont il épousera la fille, il n’a presque jamais quitté sa ville natale et a su conjuguer les influences italiennes aux caractéristiques rubéniennes pour produire un ensemble d’œuvres varié. Parallèlement à de nombreuses scènes de genre ou sujets mythologiques, le peintre a fréquemment interprété des thématiques religieuses qui lui ont permis d’incarner le sacré dans une période où les antagonismes religieux étaient très marqués. Avec son Adoration des bergers que l’on peut dater du début de sa carrière, Jordaens s’inspire du vocabulaire formel de Rubens qu’il enrichit d’un intérêt particulier pour le luminisme caravagesque. Dans ce nocturne, les personnages illuminés de l’aura sacrée du nouveau-né dessinent une ligne oblique sombre qui oriente naturellement le regard vers lui. À gauche de la composition, Marie, le teint diaphane délicatement ombré, renvoie l’image d’une maternité sereine qui contraste avec le réalisme trivial du pâtre assis, les pieds salis et le visage rougi de la lueur des braises sur lesquelles il souffle. La douce attention des regards associée aux mains croisées qui cernent la mère et l’enfant confère à l’ensemble une retenue particulière que seul un homme vient rompre. La main levée comme pour se protéger de l’éblouissement de cette maternité, celui qui pourrait être l’artiste lui-même invite de son regard le spectateur à témoigner, à l’instar des autres bergers, de l’avènement du Sauveur. Avec cette Adoration empreinte d’une certaine gravité, Jordaens s’illustre comme un grand maître de la peinture flamande et un brillant interprète de la nature humaine.