Masque de Nô
FUKAI (DIT DU SENTIMENT PROFOND OU DU PUITS PROFOND)
Masque de nô, Japon.
2nde moitié XIXe siècle
Bois peint gris-beige clair.
De forme ovale, le haut front
lisse, les yeux mi-clos,
les sourcils haut placés
évoquant la mode de
l’époque Heian (794-1185),
la bouche entrouverte
découvrant la rangée
supérieure de dents noires.
Chevelure peinte en noir
avec une raie médiane
de laquelle tombent
3 guirlandes de mèches (3/4/3).
Revers laqué noir
avec présence de quatre
étiquettes collées.
Traces du ciseau du
sculpteur laissées visibles.
Pas de cachet au revers.
20,8 × 13 × 5 cm
Don vers 1900
Inv. MG 2010-0-357
Le nô est un style de théâtre classique purement japonais
qui s’inspire de thèmes littéraires et poétiques, mêlant implicitement
concepts bouddhiques et shintô à des croyances
populaires. Le nô commence à se développer dès le
XIVe siècle en s’inspirant d’une autre forme théâtrale très
populaire à l’époque appelée_ Sarugaku no nô_ (musique de
singe). Pendant cette période, Kan-ami et son fils Zeami,
acteurs et dramaturges, instaurent les règles du nô qui sont
respectées jusqu’à nos jours. Un spectacle de nô se compose
de trois à cinq actes séparés par des intermèdes comiques
(kyôgen), pouvant ainsi durer plusieurs heures. Un orchestre
et un chœur accompagnent le jeu des acteurs qui allie pantomimes
dansées et chants lyriques. Ces drames, pour la plupart
relatant des histoires de guerres, d’amour et de jalousie,
proposent deux types de pièces : celles traitant d’histoires
réelles et celles où interviennent des êtres surnaturels.
Cette forme de spectacle utilise des masques, considérés
comme l’incarnation de la présence divine, uniquement
portés par l’acteur principal (shite). Le masque de nô
(nômen) est « apposé » sur le visage de l’acteur de telle
sorte que les joues et le menton restent visibles, il est
légèrement incliné vers le bas.
L’identification du masque est rendue possible par
l’observation des éléments constitutifs (dessin des cheveux,
aspect de surface de la peau, forme des yeux et de la
bouche), spécifiques à chaque type de masque. La perception
des multiples expressions est renforcée par les formes et
les motifs peints qui vont contribuer à exprimer des nuances.
Le masque Fukai symbolise le visage d’une femme de 30
ans. L’expression du visage concrétiserait l’amour maternel,
rendu par l’accentuation de la profondeur des yeux et les
joues tombantes aux commissures marquées, donnant
l’impression d’une femme perdue dans ses pensées. Ce
masque est souvent réservé aux rôles de mères en peine
ou de femmes éprouvées par la vie.
La création de ce masque est attribuée à Echi. Il est également
porté par le shite dans la pièce de nô Sumidagawa.
Les masques sont sculptés en bois hinoki (cyprès
japonais) et laqués au revers pour les rendre imperméables
à la transpiration de l’acteur ; le bois sculpté est ensuite
enduit d’une préparation appelée gofun (poudre de
coquille d’huîtres pulvérisée liée à de la colle animale et
des pigments). Après séchage, le masque est poli et la
chevelure, les yeux, la bouche et les dents, sont peints avec
de l’encre de Chine et des pigments.
Au terme du processus de fabrication, un « vieillissement
» artificiel est réalisé en effectuant des usures intentionnelles
au niveau des trous de cordons, des yeux et de
la bouche, faites de manière à mettre en évidence l’usage
et la fonction du masque sans nuire à son harmonie et sa
beauté ; une coloration (koshoku = vieille couleur) est aussi
appliquée. Ce procédé ne vise pas à reproduire de façon
plausible les marques du passage du temps, mais vise à
induire le caractère intemporel contenu dans le nô. Car un
masque qui apparaîtrait vierge de tout vécu ne pourrait
correspondre à l’univers du nô.
Les masques de nô renvoient donc tout à la fois à la
vie, à une culture, à ses conventions, à des personnages de
théâtre, à des sculpteurs, à des expressions et, bien sûr, à un
esthétisme particulier.
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