Portrait de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran
À partir de 1643, Philippe de Champaigne entre en relation avec le milieu janséniste. Sa femme et son fils décèdent et ses deux filles entrent comme pensionnaires au monastère de Port- Royal. Dès lors, il peint de nombreux tableaux de piété pour les monastères de Port-Royal de Paris et des Champs tout en réalisant les portraits des principaux acteurs du mouvement : Robert Arnauld d’Andilly, Mère Angélique Arnaud et Jean-Duvergier de Hauranne, abbé de Saint- Cyran. Le portrait de ce dernier, conservé à Grenoble, n’a cependant pas été fait du vivant du modèle. Il a été peint sans doute vers 1647- 1648, à partir du masque mortuaire en plâtre pris sur le défunt. La date de 1643, bien visible sur le parapet de pierre, est en fait celle de son décès. Elle est précédée des mots « Aetas 62 », ce qui signifie que l’homme était alors âgé de 62 ans. Jean Duvergier de Hauranne, théologien et ami de Jansénius, devint le directeur spirituel et le confesseur des religieuses de Port-Royal à partir de 1635. Enfermé à Vincennes en 1638 par le cardinal de Richelieu pour ses écrits théologiques jugés trop intransigeants sur le sujet du salut et de la grâce, il ne sera libéré qu’après la mort du cardinal. Il s’éteint quelques mois plus tard, miné par la captivité. Ce portrait, où nul détail ne vient distraire l’oeil et l’esprit, est un modèle de dépouillement et d’humanité. Le fond sombre, la gamme chromatique réduite à l’essentiel, l’intensité du regard, la finesse des détails du surplis blanc, en font un portrait d’essence, qui tente de capter la permanence du modèle. Du visage, émergeant comme une tache colorée dans cet univers en camaïeu de noir, de gris et de blanc, semble émaner l’intense vie spirituelle de cet homme d’église, à la fois savant et austère. Philippe de Champaigne a réalisé plusieurs versions de ce portrait, en pied, à mi-jambe ou en buste, dans un encadrement ovale ou rectangulaire, mais celui-ci compte probablement parmi les plus synthétiques. Il a été acheté en 1823 auprès de Thomas Henry, fondateur du musée de Cherbourg, l’un des meilleurs experts d’art sous la Restauration.
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