Siège "gondole" mandarin

Asie, Vietnam, Tonkin, Hanoï
XIXe siècle
79 x 80 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don de Léon de Beylié en 1897

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Bois et métal 79 × 80 × 49 cm
Don de Léon de Beylié en 1897
MG 2010-0-31

Ce petit fauteuil est une pièce assez insolite, raison pour laquelle Léon de Beylié la fit fabriquer d’après un modèle vu chez un mandarin, comme nous l’apprend la brève notice qu’il rédige pour accompagner l’objet lors de son envoi au musée de Grenoble. La forme et le travail en volume de cette chaise en constituent la spécificité. Si les dossiers en forme de fer à cheval étaient répandus dans le mobilier chinois (ils sont appelés quanyi), plusieurs éléments indiquent une probable influence occidentale. Comparable à un fauteuil de cabinet, la disposition en angle est inhabituelle. Cette forme dicte la composition et le décor du fauteuil. Le dossier se prolonge par deux imposantes spirales qui pourraient être une interprétation hypertrophiée des spirales qui terminaient les accoudoirs des meubles de style victorien présents parmi les premiers meubles de la colonie [1]. Les parties latérales de la rampe sont reliées à la partie centrale du siège par deux pièces de métal. Le décor végétal suggère que cet ensemble est une liane enroulée. L’aspect saillant du siège est souligné par le décor du pied frontal, particulièrement travaillé mais aussi très inhabituel : une feuille de lotus enveloppe l’angle de la chaise, alors que le pied se termine en forme de serres d’animal se refermant sur un globe au décor en treillis d’hexagones.
Tout concourt ici à mettre en valeur le travail du sculpteur plutôt que celui du décorateur, jusqu’au barreau central du dossier finement tourné et à la délicate courbure que prend le carré de l’assise de la chaise. Pas d’incrustations de nacre ou de frises en relief, foisonnantes comme nous l’avons vu pour les autres meubles de la collection : à l’exception du travail du pied frontal, le décor est ici caractérisé par sa sobriété, le bois est laissé à nu avec un discret décor incisé. Il est aussi possible que lors de la copie, les décors n’aient pas été reproduits dans tous leurs détails, l’attention de Beylié ayant été retenue par la forme de la chaise. Outre la relative austérité du décor de frise végétale présent sur le dossier et le bord de l’assise de la chaise, quelques motifs discrets reprennent des thèmes courants, chers aux lettrés : sur le dossier, la calebasse et le livre, deux des huit joyaux que nous avons déjà évoqués, ainsi qu’un caractère inhabituel, qui pourrait être une forme extrêmement stylisée du caractère longévité (tho) [2]. Ce dernier est beaucoup moins travaillé que le reste des décors et sa présence reste énigmatique. Les deux barreaux plats du dossier reprennent sous sa forme classique le caractère bonheur (phuc).
Cette pièce montre la curiosité de Léon de Beylié et sa capacité à remarquer des objets hétéroclites qui ne retenaient pas l’attention des autres collectionneurs coloniaux. Elle souligne par ailleurs l’inventivité des artisans vietnamiens et la réappropriation de formes occidentales par l’élite locale.


[1] André Coué, « Le mobilier “colonial” cochinchinois à l’époque des amiraux gouverneurs », Indochine, hebdomadaire illustré, n° 169, 25/11/1943, p. 15-19, voir p. 16.
[2] Je remercie Mme Phan Thanh Thuy, professeur à l’université Paris 7 Denis-Diderot pour cette précision.

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