Du néo-impressionnisme au fauvisme
Le terme "néo-impressionnisme" désigne le mouvement dont Seurat (1859-1891) fut le chef de file entre 1885 et 1890.
Il s’appuie sur la théorie du mélange optique et se caractérise par la technique de "la division de la couleur », juxtaposition de couleurs franches posées directement sur la toile par petites touches, appelée le « pointillisme ». Signac a défini les principes et les sources de ce nouvel art dans son ouvrage intitulé "De Delacroix au néo-impressionnisme" (1899).
Le Salon d'automne de 1905 est considéré comme le premier acte marquant la naissance des avant-gardes dans l'art du XXe siècle, avec les œuvres de Matisse, Camoin, Derain, Flandrin, Marquet, Rouault, Van Dongen et Vlaminck réunies dans une salle appelée la "cage aux fauves". Héritiers de Gauguin, de Van Gogh et des néo-impressionnistes, les Fauves pratiquent l‘exaltation de la couleur pure posée en aplats, la liberté de la touche et l‘usage de lignes arbitraires et exubérantes.
En 1923, le legs Agutte-Sembat composé de 44 peintures, 24 dessins, 20 céramiques et 2 sculptures permet de faire entrer dans la collection du musée les plus grands noms de la peinture post-impressionniste : Signac, Cross, Derain, Camoin, Vlaminck et Van Dongen et bien sûr Matisse. Il enrichit de manière déterminante la collection d’art moderne que souhaitait créer Andry-Farcy, depuis son arrivée au poste de directeur du musée en 1919.
Le musée de Grenoble a longtemps été le seul musée en France où l’on pouvait voir un ensemble aussi complet de la production de Matisse. Les huit peintures du maître, auxquelles s’ajoutent trois sculptures, permettent d’illustrer les différentes étapes de sa création entre 1904 à 1917.
-
Le Sentier de douane
Médium :
Auteur : Paul SIGNAC
Date : 1905
Dimension : 72 x 92,5 cm
Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923
Localisation : SA26 - Salle 26Au début du XXe siècle, Saint-Tropez est un petit port de pêche qui attire les artistes pour la qualité de sa lumière. Signac y fait de nombreux séjours et invite ses amis, en particulier Matisse en 1904.
Ce tableau réalisé en 1905 en atelier a été précédé de plusieurs études préparatoires sur le motif. Les lignes de composition nettement définies – l’oblique du talus, l’horizontale entre la mer et le ciel, les verticales des grands pins – organisent l’espace.
Signac a choisi des teintes pures qu’il applique en petites touches régulières, carrées ou rectangulaires. En exploitant cette technique rigoureuse dans sa conception et sa réalisation, il parvient à traduire l’intense luminosité de ce paysage méditerranéen.
-
Le Cap Layet
Médium :
Auteur : Henri-Edmond CROSS (Henri-Edmond DELACROIX, dit)
Date : 1904
Dimension : 89 x 116 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. LacroixDomaine public
Acquisition : Legs de Pierre Collart en 1995
Localisation : SA26 - Salle 26En 1891, Cross adopte la manière néo-impressionniste dans des toiles peintes à l’aide de petites touches régulières de couleurs non mélangées sur la palette. Installé sur la côte d’Azur, il est fasciné par la lumière méditerranéenne.
Le Cap Layet représente une crique rocheuse bordée de pins que l’artiste a choisi de traiter en vue plongeante depuis le sentier côtier. La silhouette sinueuse des pins plongés dans une ombre bleutée au premier plan laisse éclater au loin la luminosité des rochers et de la végétation. La touche nette et morcelée, chargée de couleurs pures explorant toute la gamme du spectre chromatique, traduit à merveille le scintillement et l’éclat propres aux paysages du Sud.
-
Chatou
Médium :
Auteur : Maurice de VLAMINCK
Date : 1907
Dimension : 54 x 65 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923
Localisation : SA26 - Salle 26Vlaminck et Derain forment l’un des noyaux du fauvisme, louant le même atelier à Chatou, petite commune des bords de Seine dans les Yvelines.
Dans cette toile un bateau de plaisance tient lieu de motif central : le mât, surmonté d'un drapeau français sert d'axe vertical à la composition et croise perpendiculairement la ligne du rivage. De large touches épaisses, bleues, vertes et blanches, donnent une valeur expressive presque dramatique aux remous du fleuve de même qu’aux feuillages et au ciel d'orage. Cet aspect est contrebalancé par les formes géométrisées des maisonnettes blanches aux toits rouges de l'arrière-plan. Le goût de l'artiste pour les paysages romantiques et sombres apparaît déjà dans cette œuvre.
-
Cyprès à Cassis
Médium :
Auteur : André DERAIN
Date : 1907
Dimension : 46 x 38 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923
Localisation : SA26 - Salle 26Ce tableau a été peint à un moment de transition dans la carrière de Derain, son passage progressif du fauvisme vers le cubisme. Durant l’été 1907, il séjourne à Cassis et multiplie les paysages. Dans cette version au format vertical, construite comme un vitrail, les cernes noirs délimitent chaque élément. Sur le fond de montagne en bleu dans le lointain, les cyprès découpent leurs formes sombres et allongées, leurs troncs plantés dans le sol rouge et ocre du chemin. Du fauvisme, Derain retient une composition traitée par aplats de couleurs, bien que les tonalités soient assagies. Ni modelé ni ombre ne viennent souligner les formes qui acquièrent une stylisation et une géométrisation annonçant le cubisme.
-
Amusement
Médium :
Auteur : Kees VAN DONGEN
Date : 1914
Dimension : 100,3 x 81,2 cm
Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX© Adagp, Paris
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923.Van Dongen rencontre Matisse et Vlaminck en 1904 à Paris. Sa peinture va connaître une spectaculaire libération de la couleur qui le rangera parmi les Fauves. Son sujet de prédilection est la femme, bourgeoise ou prostituée, habillée de longues robes fluides par le couturier Paul Poiret ou vêtue de costumes traditionnels marocains ou égyptiens, nue ou dans des poses suggestives.
Ici, une femme peintre à la silhouette filiforme se tient dans un atelier, face à un grand tableau rouge posé sur un chevalet. Cette peinture dans la peinture et la composition au mur représentant deux femmes orientales sont des œuvres de Van Dongen. À la fois exotique et décorative, cette vue d’atelier est en même temps un petit aperçu de son art.
-
Port d'Anvers
Médium :
Auteur : Emile Othon FRIESZ
Date : 1906
Dimension : 30 x 45 cm
Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923En 1906, Friesz passe l’été à Anvers avec son ami Georges Braque et peint de nombreuses vues du port.
Tout en respectant les règles traditionnelles de la mise en perspective, il emploie dans ce tableau des couleurs totalement arbitraires, sorties du tube.
Le dessin est rendu par de larges traits de tons purs qui construisent les principaux éléments d’architecture. Chaque couleur se détache de façon très distincte sur le fond gris de la toile non recouverte. L’usage important du blanc rend les nuances plus éclatantes et lumineuses.
Cette toile demeure, avec celles de Matisse, l’une des plus pures manifestations du fauvisme dans la collection.
-
Les Tapis rouges
Médium :
Auteur : Henri MATISSE
Date : 1906
Dimension : 89 x 116 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Succession H. Matisse
Acquisition : Legs Georgette Agutte-Marcel Sembat en 1923
Localisation : SA24 - Salle 24Au Salon d’Automne de 1905, la presse scandalisée découvre les œuvres de Matisse et de ses amis, baptisés « Fauves » par Louis Vauxcelles.
Peinte à Collioure en 1906, cette toile évoque ce moment charnière où le tableau perd de sa profondeur et acquiert une dimension purement décorative. Étoffes vibrantes, écharpe catalane moirée, poterie et tapis algériens ramenés de Biskra combinent leurs motifs chatoyants pour créer un espace saturé de teintes vives où le rouge domine. Les plages de vert, sa complémentaire, accentuent la vibration chromatique de l’ensemble. Les objets et les fruits conservent un semblant de volume sans pour autant disposer d’une ombre portée. Posés en équilibre instable, ils donnent l’illusion d’un basculement vers le spectateur.
-
Marguerite lisant
Médium :
Auteur : Henri MATISSE
Date : 1906
Dimension : 64,5 x 80,3 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Succession H. Matisse
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923
Localisation : SA27 - Salle 27La même année, le portrait de sa fille Marguerite, représentée à l’âge de douze ans, conserve du fauvisme une touche large et brossée rapidement dans une gamme chromatique où le rouge et le vert dominent. Les autres tons rompus, beiges, bleus pâles, roses et blancs, atténuent l’impression de cacophonie colorée caractéristique des portraits fauves de Matisse des années précédentes. Seules les ombres sur les chairs, mains et visage, conservent cette étrange teinte verte, éloignée de la réalité. Préparée par de nombreux dessins et esquisses peintes, cette peinture est un chef-d’œuvre d’équilibre entre fond et forme, trait et couleur, teintes vives et pastel. Elle met en scène une Marguerite plongée dans la lecture d’une page de couleur.
-
Intérieur aux aubergines
Médium :
Auteur : Henri MATISSE
Date : 1911
Dimension : 212 x 246 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Succession H. Matisse
Acquisition : Don de l'artiste et de sa famille en 1922
Localisation : SA27 - Salle 27Intérieur aux aubergines est un des quatre grands Intérieurs symphoniques que réalise Matisse en 1911, avec L’Atelier rouge, conservé au MOMA à New York, L’Atelier rose au musée Pouchkine à Moscou et La Famille du peintre au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Cette œuvre capitale, peinte à Collioure, se présente au spectateur avec la planéité et la densité ornementale d’un tapis.
Sur une table relevée au plan du tableau sont disposés trois aubergines, une assiette de fruits, une sculpture et un vase. Autour d’eux se multiplient des motifs, inscrits dans les espaces rectangulaires, ceux du miroir, du paravent, de la porte ouverte pourvue d’un rideau à carreaux, de la fenêtre qui évoque un tableau, des cadres vides au mur. La toile n’est plus qu’une surface de couleurs unifiée par le motif floral qui se déploie sur toute la surface.
-
Tête de Jeannette IV
Médium :
Auteur : Henri MATISSE
Date : vers 1910 - 1911
Dimension : 61 x 22 x 26 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Succession H. Matisse
Acquisition : Achat à l'artiste en 1954
Localisation : SA27 - Salle 27Parmi les soixante-neuf pièces qui constituent l'œuvre sculpté de Matisse, cette Tête de Jeannette, acquise en 1954 par le musée de Grenoble, marque le quatrième stade dans l'évolution d'une série de cinq têtes réalisées de 1910 à 1913.
L’artiste interroge la figure humaine, analysant et recomposant les différentes facettes d’un visage de femme. Le buste de Jeanne Vaderin, modèle encore reconnaissable dans les premières étapes, est ici réduit à ses différents éléments constitutifs, exagérés à outrance, tels le nez, la chevelure, les yeux enfoncés ou encore le cou-colonne. Le propos de Matisse n’est pas de réaliser une figure harmonieuse mais d’obtenir une unité plastique expressive en articulant entre elles des formes stylisées.
-
Le Pont Saint-Michel
Médium :
Auteur : Albert MARQUET
Date : 1910 - 1911
Dimension : 65 x 81,2 cm
Crédit : VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIXDomaine public
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923
Localisation : SA27 - Salle 27Depuis 1908, Marquet a emménagé au 19 quai Saint-Michel, dans l'atelier occupé précédemment par Matisse. Dans cette veduta, les tonalités sont celles d'un fauvisme assagi : la douceur des gris, des verts et des ocres d’une journée de printemps est seulement rompue par les tons jaune et orangé des palissades du chantier sur la droite et par la note de rouge au premier plan. Personnages, chevaux et voitures sont rendus par de petites taches sombres, nerveuses, au centre du tableau, en contrepoint des zones d'ombre des grandes arches du pont. L'équilibre de l'ensemble révèle un monde d'harmonie et de simplicité tout en nuances.
-
Minaret à Tanger
Médium :
Auteur : Charles CAMOIN
Date : 1913
Dimension : 65 x 81,5 cm
Crédit : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix© Adagp, Paris
Acquisition : Legs Agutte-Sembat en 1923
Localisation : SA27 - Salle 27Après un séjour à Collioure, Charles Camoin rejoint Marquet et Matisse à Tanger à la fin de l’année 1912.
De cette ville écrasée par le soleil le peintre donne une vision chaude et lumineuse, celle d’une rue bordée de maisons blanches passées à la chaux.
Manifestation tardive du fauvisme, cette toile en présente toutes les caractéristiques. Les couleurs franches sont appliquées au moyen de touches et d’aplats fortement contrastés. Leur gamme s’harmonise avec les dominantes de bleu et de violet qui traduisent la luminosité particulière du lieu. Le peintre en retient l’essentiel : l’émotion qu’il a ressentie à cet endroit et sa restitution au moyen de la couleur.