Les Quais de l'Isère
Dauphinois d’origine, Jules Flandrin entre dans l’atelier de Gustave Moreau en 1895, devenant le condisciple de Matisse, Marquet, Camoin et Rouault. On lui doit ainsi l’introduction de ces artistes auprès d’Andry-Farcy qui, devenu conservateur du musée de Grenoble en 1919, n’aura de cesse d’y faire entrer l’art moderne. En effet, Flandrin et Jacqueline Marval, sa compagne, lui présentent Picasso dès 1911 et Matisse en 1920. Séduit par les nouveautés artistiques de ses amis fauves, Flandrin reste malgré tout héritier des maîtres classiques qu’il a longtemps étudiés dans les musées et en Italie. Sa production picturale, éclectique, se ressent de cette double influence. À Paris, ses sujets de prédilection sont le spectacle animé des rues ou les bords de Seine, qu’il traite dans une veine assez proche de son ami Marquet. Les Quais de l’Isère, réalisé en 1922, transpose à Grenoble ce type de vue fluviale expérimentée à Paris, mais dans une perspective originale, décentrée, qui, loin d’ouvrir l’espace dans le sillon de la rivière, le referme. La rive gauche, où se dressent les principaux édifices parmi lesquels on reconnaît l’église Saint-André, rejoint ainsi la rive droite dans un point de fuite placé à l’extrémité gauche du tableau. L’alignement de bâtisses qui occupe le fond de la composition occulte le regard sur les montagnes au second plan. Quant au premier plan, il laisse entrevoir la promenade arborée qui fait face à la ville et apporte une touche de verdure dans un environnement purement minéral. Le format marine, inhabituel chez l’artiste, permet d’embrasser une plus large proportion de paysage et de laisser déambuler l’œil du spectateur à la découverte des berges. Dans cette vue, le fleuve aux reflets de vert, de bleu et de gris prend une place prépondérante. La touche rapide, à peine esquissée, suggère plus qu’elle ne décrit cet après-midi d’été, inondé de lumière et accablé de chaleur où seuls quelques Grenoblois se risquent à la promenade.
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