1546

Comme nombre de photographes allemands de
sa génération, Jörg Sasse a suivi l’enseignement
de Bernd Becher à la Kunstakademie de
Düsseldorf. Il en a retiré une approche à la
fois méthodique et critique de la pratique
photographique. Durant les années 80, il
s’est livré de manière systématique à la
représentation objective de fragments choisis
dans les habitations de proches ou de relations.
Les images obtenues se signalaient par leur
aspect singulier, voire abstrait. À partir de 1993,
Jörg Sasse modifie sa méthode, délaissant la
pratique traditionnelle pour un processus faisant
appel à l’ordinateur. En outre, les images qu’il
traite sont, approximativement pour moitié,
des photographies anonymes d’amateurs
qu’il se procure par lots entiers. Manipulant,
modifiant, recomposant ces images, il crée des
représentations trompeuses de la réalité. Par la
qualité de leur matière – les fameux pixels des
images numériques – et leur présence plastique,
ces œuvres évoquent la peinture. Mais elles sont
avant tout des miroirs déformants qui inscrivent
dans une perspective critique l’expérience
décisive de la perception visuelle.
1546 est la première image que Sasse a réalisée
selon cette nouvelle technique adoptée en 1993.
Il s’agit de la vue d’un rideau plissé de couleur
verte se reflétant sur un sol orangé. Avec ce
motif s’affirme d’emblée la dimension picturale
de ces œuvres, que l’artiste intitule de façon
générique « tableaux ». Le rideau est un thème
classique dans l’histoire de la peinture : non
seulement il redouble l’idée de la toile et renvoie
à l’image de la fenêtre, mais son caractère
abstrait autorise toutes sortes d’effets de
matière audacieux. Ici, il apparaît comme une
invitation à passer outre, à dépasser le « voile »
des apparences pour traquer une hypothétique
vérité qui se trouverait, évidemment, derrière le
rideau…
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