Etude (Tête de vieillard)

Jean Jules Antoine LECOMTE DU NOUŸ
vers 1880
38 x 29 cm
Crédit photographique :
VILLE DE GRENOBLE / MUSÉE DE GRENOBLE-J.L. LACROIX
Acquisition :
Don de la Société des amis du musée de Grenoble en 1998

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Homère mendiant _ est sans doute l’œuvre de Lecomte du Nouÿ qui incarne le mieux la peinture archéologique ou néo-grecque – née dans le sillage de son maître Léon Gérôme – qui fleurit sur les cimaises du Salon dans la deuxième moitié du siècle. Donné au musée de Grenoble par l’artiste en 1891, ce tableau monumental est présenté au Salon de 1882 où il reçoit un accueil enthousiaste de la part de plusieurs critiques. « Monsieur du Nouÿ sait à fond son métier ; il est doué d’un goût, d’une délicatesse et d’un tact pittoresque très distingué » s’enthousiasme Charles Clément dans le _Journal des débats[1]. Basée sur des sources archéologiques sérieuses, cette toile tente – au moins dans la scène centrale – de donner de la vie d’Homère une vision dénuée d’héroïsme et d’idéalisation, poussant le réalisme jusqu’à noircir les pieds du vieillard aveugle. Les deux panneaux latéraux évoquent ses principaux poèmes : L’Odyssée à gauche, incarnée par la figure de Pénélope voilée ; L’Iliade à droite, symbolisée par le cadavre d’Hector gisant sur les marches de Troie. Soucieux de précision historique, Lecomte du Nouÿ veut donner à son Homère des traits plausibles et n’hésite pas pour cela à prendre pour modèle un portrait présumé du poète grec, conservé au département des sculptures du Louvre. Parmi les quatre dessins, achetés en 1998 et offerts par les Amis du musée de Grenoble, se trouve une étude de tête de vieillard, réalisée directement d’après le buste mais dont les tempes sont ceintes d’une bandelette afin de donner d’Homère une image plus réaliste. Les trois autres feuilles montrent respectivement le visage du jeune enfant qui conduit Homère aux portes d’Athènes , des études de mains dont la main gauche de Pénélope et un visage de femme aux sourcils froncés et à la bouche crispée . Il pourrait s’agir d’une première idée pour le visage de l’épouse d’Ulysse, modifié ultérieurement, l’artiste préférant opter pour un voile dissimulant ses traits. Ces quatre études poussées, au fusain estompé et rehaussé de craie blanche, concentrent leurs effets sur les visages et les mains, laissant dans l’imprécision les coiffures ou le reste du corps. L’artiste excelle à rendre les volumes et le jeu de lumière et d’ombre sur la surface lisse de la peau du jeune garçon et de la femme ou les aspérités du visage parcheminé du vieillard. « Le dessin est en général correct et fin, et […] le modelé, un peu maigre et sec, est savant et remarquablement bien suivi » remarque Charles Clément^2. Montées ensemble, ces quatre feuilles ont été offertes par l’artiste à l’un de ses élèves, Georges Sauvage, en 1882. Cette date n’est pas celle de la réalisation des dessins, mais bien celle du don. « Dans mes dessins, je n’ai pas retrouvé les études préparatoires de mon triptyque d’Homère, exposé dans votre musée en si belle place grâce à vos soins » regrette Lecomte du Nouÿ dans une lettre adressée en 1905 au conservateur Jules Bernard[3], oubliant sans doute qu’il les a déjà offerts. Souhaitant toutefois honorer l’institution qui expose sur ses cimaises depuis 1891 le tableau d’Homère, qu’il considère comme son chef-d’œuvre, l’artiste fait un don au musée de six dessins de figures.


[1] Charles Clément, « Exposition de 1882 » (deuxième article), Journal des débats, 5 mai 1882.
[3] Lettre de Lecomte du Nouÿ à Jules Bernard, 30 septembre 1905, Documentation du musée : « J’en ai trouvé d’autres qui, quoique n’ayant aucun rapport avec ce tableau, ne m’en paraissent [pas] moins bons, dignes d’intérêt et d’être exposés ».

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