Etude d'homme portant un panier

Alexandre LAEMLEIN
1846
46 x 16,5 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de la Société des amis du musée de Grenoble en 1995

Voir sur navigart

Parmi les sept feuilles d’Alexandre Laemlein, préparatoires à l’imposante Échelle de Jacob _ de 1847 et conservées au musée de Grenoble, il en est une, cette _Étude d’homme portant un panier, qui nous permet de mieux saisir le processus créatif de l’artiste. En effet, ce jeune homme nu, la tête légèrement inclinée et le corps légèrement cambré, les bras tendus vers l’avant pour soutenir une forme que seule la peinture définitive nous permet d’identifier comme un panier, est sans doute une étude d’après le modèle vivant. Elle deviendra un ange une fois drapée et pourvue de longues ailes. Mais comme le remarque Jérôme Moncouqiol dans la seule étude consacrée à l’artiste[1], Alexandre Laemlein combine à cette figure masculine, pour adoucir le visage de son ange, les traits féminins d’une paysanne, saisie dans la même attitude. Le dessin (MG 1995-1-4 ), lui aussi conservé à Grenoble, plus réaliste qu’académique, s’attarde particulièrement sur la tête de la jeune femme, laissant dans l’imprécision le reste du corps. Un autre dessin (MG 1995-1-5 ) de la même veine réaliste prépare la figure du personnage portant une lyre, à la gauche de l’ange. Le costume de paysanne de la jeune femme – avec sa longue robe couverte d’un tablier – se transformera dans le tableau en un drapé à l’antique dénudant l’épaule, et les traits fins de la jeune femme se durciront pour devenir ceux d’un homme. Dans ces trois feuilles, l’artiste fait preuve d’une grande virtuosité dans le maniement de la sanguine, qu’il utilise sur un fond bleu très foncé et rehausse savamment de craie blanche pour dessiner les éclats de lumière sur la musculature ou les courbes du visage. Appuyant fortement certains traits, esquissant à peine les autres – en particulier dans les costumes de deux femmes – il use aussi de la hachure serrée dans les ombres, à la manière d’un graveur. Sa première formation, après son arrivée à Paris à l’âge de dix ans en 1823, le conduit d’ailleurs dans l’atelier d’un graveur. Il donne en 1849 une interprétation gravée à l’eau-forte de L’Échelle de Jacob comportant de nombreuses variations par rapport à la peinture[2]. L’androgynie de ses figures d’anges, leur aspect étrange, les courbes et contre-courbes de leurs formes longilignes apportent à la composition une originalité soulignée par tous les critiques. Paul Mantz hésite à ranger l’artiste parmi « les peintres de chimères » mais finit par conclure : « Vraiment la fantaisie la plus indisciplinée ne saurait aller au-delà »[3]. Quant à Théophile Gautier, dans sa critique du Salon de 1847, il loue le « mérite et l’originalité de cette grande toile », s’attachant particulièrement au traitement du cortège séraphique : « les anges et les figures mystiques ont des tournures assez fières et se campent sur les marches de l’escalier avec une certaine crânerie strapassée, et un certain goût, contourné, demi-florentin, demi-rococo, saupoudré d’un peu de Cornelius, qui ne manquent pas d’effet de ragoût »[4].


[1] Jérôme Moncouquiol, « Alexandre Laemlein (1813-1871), les étapes d’une carrière », Bulletin de l’Histoire de l’Art français, 1999, Paris, 2000.
[2] Bibliothèque nationale, cabinet des Estampes, AA I, suppl. relié.
[3] Paul Mantz, Salon de 1847, Paris, 1847, p.82.
[4] Théophile Gautier, Salon de 1847, Paris, 1847, p.40.

Découvrez également...