Cielo segreto
[Catalogue de l'exposition Italia moderna. La collection d'art moderne et contemporain italien du musée de Grenoble, 19 mai-4 juillet 2021]
Né en 1948, Michele Zaza passe son enfance avec ses parents à Molfetta près de Bari, dans le sud-est de l’Italie. De 1968 à 1978, il suit à Milan les cours de l’Académie des beaux-arts, puis s’installe à Rome avec sa propre famille. Michele Zaza cultive la polyvalence, pratique le dessin et la vidéo, mais la photographie est, avant toute chose, son médium de prédilection. S’il appartient à la génération des photographes conceptuels des années 1960 et 1970 (Gilbert & George, William Wegman), si, comme les actionnistes viennois (Günter Brus et Rudolf Schwarzkogler), il use de la photographie comme trace de ses performances, si certainement l’esthétique des années 1980, celle d’un Andres Serrano ou d’une Nan Goldin, le marque, l’artiste poursuit sa route à l’écart des écoles et des sentiers établis.
Adoptant souvent la forme de polyptiques, ses premières oeuvres, tels Unknown Dissidence (1972), Mimesis (1975), Neo-terrestrial (1979), Up to those of the nineties Central Body (1996), Traveling Body (1998), Azure Uterus (1998- 99), sont souvent fondées sur des mises en scène. Puis l’univers de Zaza évolue progressivement vers une iconographie moins théâtrale. Les relations humaines, familiales et amoureuses, qui influencent selon lui notre première participation affective au monde, l’occupent au premier chef. Aussi, aime-t-il convoquer les images de son père et de sa mère dans nombre de ses oeuvres. Dans la « métaphysique de l’ordinaire » qu’il met au jour, le visage est central. S’il évite la couleur au début de sa carrière, privilégiant la pureté du noir et blanc, deux couleurs prévalent ensuite, le noir et l’azur. Dans les oeuvres des années 1970-1980, Zaza se réfère volontiers aux icônes byzantines donnant naissance à des images aux allures de « contes célestes » (G. Celant). Sa mère, dans cet étrange polyptique, au nom mystérieux de Cielo segreto [Ciel secret], se détache devant une constellation peinte. À la manière des vierges byzantines, elle semble engager un dialogue, qui la dépasse, avec les forces cosmiques. Comme l’indique Germano Celant commentant l’oeuvre de Zaza : « Avec la photographie, toutes les violations du réel sont possibles et le rêve du laboratoire fantastique se réalise. »
Héritier d’une lignée d’artistes, reliant Piero della Francesca à Giorgio de Chirico, Zaza aspire à une photographie pure. Il est impossible, en réalité, d’assimiler son travail à celui d’aucun autre créateur de sa génération. L’artiste aime à convoquer la figure de l’androgyne, à évoquer la sexualité dans une oeuvre matinée d’aura métaphysique. Il occupe toujours dans les manifestations italiennes où il est invité une place singulière, et personnelle (par exemple, dans Identité italienne, exposition organisée par Germano Celant au Centre Pompidou, à Paris, en 1981 ou Arte Italiana 1960-82, organisée à Londres par Nello Ponente).
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