Les masques blancs
[Catalogue de l'exposition Italia moderna. La collection d'art moderne et contemporain italien du musée de Grenoble, 19 mai-4 juillet 2021]
Osvaldo Medici del Vascello, en dépit de ses origines nobles, ne suit pas de formation artistique et se décrit comme un peintre autodidacte. Figure singulière de la modernité italienne, ayant partagé sa vie entre Florence et Paris, il se distingue par un style éclectique scindé en deux grandes périodes, l’une figurative, et l’autre abstraite. À son arrivée à Paris en 1922, l’artiste participe à l’aventure des Italiens installés dans la capitale, avec Giorgio de Chirico, Severini, Savinio, De Pisis, Tozzi, Campigli, Paresce et Gajoni. Il y séjourne jusqu’en 1939 et se lie alors d’amitié avec Alberto Magnelli, Fernand Léger, Juan Gris et Le Corbusier. Après avoir participé à de nombreuses expositions de groupe, comme le Salon des indépendants en 1925, il participe à l’exposition sur l’Art italien des xixe et xxe siècles au musée du Jeu de Paume en 1935 et figure dans les années de l’entre-deux-guerres dans de nombreuses biennales de Venise et quadriennales à Rome. À partir de 1940, Vascello vit à Florence. S’il privilégiait jusqu’alors le paysage et la figuration, il choisit de se tourner à partir de 1950 vers l’abstraction géométrique.
La peinture de la collection de Grenoble appartient à la période parisienne de l’artiste. Ce tableau au format oblong figure une nature morte énigmatique aux accents métaphysiques. L’ensemble formé par deux masques vénitiens, une tête en plâtre et une pile de livres, crée un sentiment de mystère. S’agit-il d’une représentation symbolique des arts, où l’on retrouverait réunis les emblèmes du théâtre, des beaux-arts et de la littérature ? Vascello semble aussi se rappeler l’univers de la comedia dell’arte, l‘esprit de la Pittura metafisica et enfin les natures mortes silencieuses et inspirées du peintre de Bologne, Giorgio Morandi. Vascello retient aussi la leçon de Le Corbusier, qui l’incita, dit-on, à mettre l’accent sur la primauté de la composition. Certainement dans ce tableau, à l’image de nombreux artistes du Novecento, le peintre revendique enfin ses origines italiennes. Avec cette oeuvre énigmatique, privilégiant les blancs, l’artiste apparaît comme un digne héritier de l’alphabet métaphysique d’un G. de Chirico. Spectrale, cette peinture distille une atmosphère de douce poésie : la délicatesse des tons couplée à la lumière irréelle donne un sentiment de solitude et de profonde mélancolie. Il semblerait que ces visages aveugles et mystérieux entendent nous donner accès à l’âme du peintre.
À Paris, le critique Waldemar-George, qui n’eut de cesse dans l’entre-deux guerres de soutenir les artistes italiens, remarqua dans la production de l’artiste ces étranges natures mortes de masques : « Peintre de masques, Osvaldo Medici n’est pas précisément un disciple ou un suiveur d’Ensor ! Le climat de ses oeuvres n’est pas celui du carnaval flamand, mais celui des veglioni [1][…].Medici se comporte comme un artiste prosateur, qui connaît son métier, qui a le sens d’une matière riche et dense et qui sait faire jouer les tons. »
[1] En Italie, fêtes nocturnes et costumées.
Découvrez également...
-
Tapisserie, fragment
s.d. -
(Sans titre)
XXe siècle -
Scène de carnaval à Venise
XVIIIe siècle