Tirailleurs algériens

Guillaume Urbain REGAMEY
1869
27,5 x 41 cm
Crédit photographique :
Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L. Lacroix
Acquisition :
Don de M. Emile Guimet en 1907

Voir sur navigart

Frère ainé de Félix et de Frédéric Régamey, tous deux peintres et illustrateurs, Guillaume Urbain débute sa brève mais brillante carrière – interrompue par son décès prématuré à l’âge de 38 ans – au Salon dès 1863, forçant l’admiration du public et des juges par ses sujets militaires, traités dans une veine naturaliste. « Guillaume Régamey nous montre enfin le soldat vrai, simple, sans pose, naïvement à tout ce qu’il fait », résume Ernest Chesneau dans l’unique biographie consacrée à l’artiste en 1879[1]. Si nombre de ses œuvres s’attachent au quotidien des troupes de cuirassiers de l’Empire , d’autres mettent à l’honneur les corps de l’armée coloniale, comme dans ce dessin, préparatoire au tableau qu’il présente au Salon en 1870, Tirailleurs algériens et Spahis gardant des prisonniers, campagne de 1860 en Algérie (conservé au Palais Longchamp, Marseille). Brillant dessinateur, formé au dessin de mémoire dans l’atelier de Lecoq de Boisbaudran en même temps que son ami et condisciple Fantin-Latour, Régamey campe ici de manière précise et fouillée trois Tirailleurs algériens, en tenue de route, lestés de leur lourd paquetage. Sur la gauche, à peine esquissé, un Spahi – ces cavaliers arabes intégrés à l’Armée d’Afrique – vêtu du long manteau qui, dans le tableau final, apportera une touche de rouge éclatant. Camille Lemonnier, dans sa critique du Salon de 1870, reprochera d’ailleurs à l’artiste « ce placard rouge du manteau à gauche [qui] tranche trop crûment sur le fond[2]» . Précisément datée du 11 décembre 1869, cette feuille est une étude partielle et précoce pour le tableau, où la composition n’est pas encore totalement fixée. En effet, le personnage de droite, qui prend ici une importance cruciale car c’est la seule figure qui est montrée de face, disparaîtra complètement de la toile pour laisser place à un vaste espace où se devinent les prisonniers encerclés. Si son équipement est semblable à celui des deux autres soldats, son costume s’apparente plus à une tenue locale qu’à un uniforme de Tirailleur. Il pourrait s’agir d’un membre de ces troupes auxiliaires indigènes, participant aux actions militaires sans être intégrés à l’armée régulière. Ses traits sont assez proches des figures de Gnawa ou « Maures noirs », dessinées par Delacroix[3]. Cet épisode de la dernière phase de la conquête de l’Algérie en 1860 n’est pas chez Régamey nourrie d’une expérience directe des événements racontés car, contrairement à Adrien Dauzats ou Horace Vernet, ce dernier n’a jamais fait le voyage d’Algérie. Comme nous le rapporte Ernest Chesneau, s’appuyant sur le propre journal de Guillaume, « c’est au camp de Saint-Maur que l’artiste allait chercher ses motifs, étudier ses modèles »[4]. Plus que par le fait d’armes – l’épisode n’est ni violent, ni héroïque – Régamey est ici fasciné par la sophistication et l’exotisme de l’uniforme militaire qu’il décrit avec un luxe de détails étonnant, esquissant à peine les autres protagonistes de la scène.


[1] Ernest Chesneau, Notice sur G. Régamey, Paris, Londres, Librairie de l’Art, 1879, p.25.
[2] Camille Lemonnier, Salon de Paris 1870, Paris, Ve. A. Morel & Cie, 1870, p.225.
[3] Eugène Delacroix, Deux Musiciens gnawa, Louvre, département des Arts graphiques, RF 23 324.
[4] Chesneau, op. cit., p.22.

Découvrez également...