Jeune Fille affligée (Etude pour Soldats distribuant le pain aux indigents)
L’attention particulière qu’Isidore Pils porte aux miséreux, déjà perceptible dans La Mort d’une sœur de charité _ , se retrouve dans _Soldats distribuant le pain aux indigents (conservé au musée du Château de Fontainebleau), tableau commandé par l’État en 1852 et qui figure au Salon la même année. La scène ici décrite, et récupérée par le Second Empire naissant, s’est en fait déroulée lors de la famine de 1849, durant laquelle les soldats de la République avaient été affectés à la distribution de nourriture pour les plus pauvres. Isidore Pils transforme ici une scène vécue en un tableau dont la dimension politique n’échappe à personne. Il s’agit, dans cette commande officielle, de démontrer que l’Empire se soucie autant des nécessiteux que le gouvernement précédent. La méthode de travail employée par l’artiste est assez proche de celle utilisée dans La Mort d’une sœur de charité. Il multiplie études de figures plus ou moins poussées et esquisses peintes. Les croquis rapides au crayon noir, où différentes attitudes sont envisagées, sont suivis de dessins de chacun des personnages aux deux crayons ou à la sanguine rehaussée de craie, comme la Femme tenant une écuelle (vente Ader-Nordmann, 26 mars 2015, lot 33) au centre de la composition. Quelques-uns seulement font l’objet d’une esquisse à l’huile, comme le jeune homme les bras tendus, actuellement conservé au Cleveland Museum of Art. Le Docteur Gabriel Weisberg, dans son article consacré aux dessins réalistes de Pils[1], recense ainsi un nombre impressionnant d’études préparatoires. La Jeune Fille affligée à la sanguine, non répertoriée, prépare la figure de la petite fille aux cheveux roux, emmitouflée dans un châle, qui se trouve en bas à droite de la composition. Les yeux baissés dans une attitude de soumission, l’enfant tient à la main un morceau de pain. Comme dans la feuille précédente , l’artiste concentre ses effets sur le visage et les épaules, laissant dans le flou le reste du corps. De profil dans le dessin, la petite fille tournera la tête vers le spectateur dans le tableau final. Afin de donner plus de réalité à ses figures, Pils n’hésite pas à s’inspirer de vrais indigents, et non de modèles professionnels, comme nous le relate L. Becq de Fouquières dans l’ouvrage qu’il consacre à l’artiste : « C'est dans les rues, dans les promenades publiques, c'est parmi le peuple qu'il va chercher ses types et ses modèles[2]. » Pour incarner la souffrance du peuple, Isidore Pils choisit de mettre en scène de jeunes enfants, humanisant ainsi une peinture d’histoire dont le sujet militaire est moins susceptible d’attendrir le public. Cette œuvre est une des premières incursions de l’artiste dans le genre de la peinture militaire qui va bientôt occuper l’essentiel de sa production. Avec des tableaux comme Une tranchée devant Sébastopol de 1855 ou Le Débarquement de l'armée française en Crimée de 1857, Isidore Pils devient le chroniqueur officiel du Second Empire, glorifiant les hauts faits militaires du régime.
[1] Gabriel P. Weisberg, « Early Realist Drawings of Isidore Pils », Master Drawings, vol. XXVIII / Nr. 4, Winter 1900, p. 387-408.
[2] L. Becq de Fouquières, Isidore Alexandre Auguste Pils : sa vie et ses œuvres, Paris, 1876, p. 26.
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