M. Fantin père à son chevalet

Plongé dans l’ombre de l’atelier, le modèle est le père de l’artiste, Jean-Théodore Fantin-Latour (1805-1875). Il reçoit une formation de peintre à Grenoble où il s’installera entre 1831 et 1841.
À Paris, il expose au Salon et contribue à remettre le pastel au goût du jour. Le Musée de Grenoble conserve quatre huiles sur toile (des portraits de famille) et dix-huit dessins de sa main, légués par Victoria Fantin-Latour, selon de souhait de Fantin qui manifestait ainsi son attachement à l’œuvre de celui qui fut son premier et exigeant professeur de dessin.
Cette feuille, un grand format exécuté au crayon lithographique sur un calque autographique, est la répétition tardive d’un dessin de 1859 conservé au musée du Louvre[1] et choisi par Fantin pour être présenté à l’unique exposition de ses dessins organisée en 1902 par la galerie Tempelaere[2].
Pour autant, l’artiste ne tira pas la lithographie projetée. Peut-être faut-il incriminer une certaine raideur dans l’exécution et l’excès de crayon noir qui a plissé la feuille [3]. Seul le jour de la fenêtre haute, prodiguant un rai de lumière sur les outils de la création (la main tenant le pinceau, la toile blanche en cours d’exécution, le chevalet et le meuble à couleurs), interrompt la monotonie des hachures épaisses et régulières. Nul doute cependant qu’une fois le dessin sur papier reporté sur la pierre, l’artiste n’eût éclairé et animé au grattoir ces zones d’ombre, qui étaient plus fouillées dans la première version du Louvre.
La silhouette élancée et l’allure juvénile du modèle n’évoquent pas l’homme d’une cinquantaine d’années auquel devait ressembler Théodore au moment de la première version du portrait.
En outre, deux portraits de lui par son fils, conservés à Grenoble, nous restituent une physionomie tout autre[4]. Physionomie que le clair-obscur et la pose choisie, de trois quarts perdus, dérobent ici plus qu’ils ne révèlent. Ces choix paradoxaux invitent à voir dans cette évocation d’un peintre solitaire et absorbé, caractéristique des scènes d’intérieur immobiles et recueillies des débuts de Fantin, moins un portrait qu’une image atemporelle de la création[5]. C’est aussi l’une des premières scènes d’atelier, thème cher à l’artiste, qui contribuera à sa renommée, notamment avec Un atelier aux Batignolles (Salon de 1870, Paris, musée d’Orsay).
[1] Artiste peignant assis, fusain sur papier brun, 41x29,2 cm, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, fonds du musée d’Orsay, RF 12 813 recto (FL 127).
[2] Voir FL 1485. Pour l’exposition chez Tempelaere, voir aussi le catalogue manuscrit de l’exposition, n°1 dans Recueil Tempelaere et Clément-Janin, 1903, p. 256.
[3] Voir 1982-1983 Paris-Ottawa-San Francisco, cat. exp., p.280.
[4] Voir MG IS 69-33 et MG IS 69-34.
[5] L’identité du modèle est donnée par le catalogue de Victoria Fantin-Latour.
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